Bonjour ! Aujourd’hui je vous propose un nouvel article de praticien qui vous fera revenir en été et penser au travail d’équipe : Laurent partage avec nous ses réflexions sur le rôle du manager et les méthodes permettant de motiver son équipe. Et vous, êtes-vous Super Manager Lean ? 😉
Donnant des cours de langue dans un camp de vacances cet été, j’ai été bien malgré moi (j’aime les déformations professionnelles…) confronté à une question d’ordre managérial : sur qui repose le degré de motivation d’une équipe ? Sur son manager ? Ou sur ses membres ?
Nombreux sont les managers qui souffrent, malgré de nombreuses tentatives pour inverser la vapeur, du faible niveau de motivation et d’engagement de leurs équipes. « Ils ne sont de toute façon pas motivés » semble alors être la cause racine du manque d’enthousiasme d’une équipe, qu’il convient d’accepter telle une fatalité.
Mais est-ce vraiment le cas ? Tentons d’en savoir plus en allant sur le terrain de notre fameux camp de vacances…
Tout commence on ne peut mieux
Dans ce camp, les animateurs sont recrutés pour leur bonne volonté et leur enthousiasme auprès des enfants. Les salaires sont au-dessus de la moyenne et le mode de management plutôt souple. On laisse à chacun la liberté de travailler comme il l’entend et surtout, on veut prendre du plaisir à travailler ensemble. Dans de telles conditions, on ne peut qu’être motivé n’est-ce pas ?
L’enfer est pavé de bonnes intentions
Après deux semaines de camp, l’ambiance n’est toutefois plus au beau fixe. De nombreux animateurs se lèvent tard le matin ; deux d’entre eux ont d’ailleurs été surpris une bière à la main alors que les petits n’étaient pas encore couchés. Le coordinateur du camp, quant à lui, s’épuise à s’occuper des enfants, refusant de déléguer certaines tâches aux autres animateurs, qu’il juge trop peu responsables.
Mais que s’est-il passé ?
On aimerait parfois connaître les causes pouvant être à l’origine d’une telle situation (dont la ressemblance avec d’autres situations réelles ne serait évidemment que fortuite). Voici en l’occurrence ce qui est arrivé :
- Tout a commencé lorsqu’un animateur s’est retrouvé dans une situation délicate avec deux enfants. Ne sachant comment réagir, il leur a fait prendre un risque qu’aucun d’entre eux n’aurait dû encourir (précisons qu’aucun enfant n’a été blessé au cours de cette scène).
- La réaction du coordinateur ne s’est alors pas fait attendre : « On ne peut pas leur faire confiance » (là encore, toute ressemblance avec des réactions réelles serait tout à fait fortuite). Il reprend dès lors le flambeau sur de nombreuses tâches qui incombaient aux animateurs.
- Déchargés d’une bonne partie de leur travail, les animateurs perdent leur motivation. Comment s’engager dans son travail si l’on ne s’y sent pas soutenu ou valorisé par ses commanditaires ? Le résultat est celui que l’on connaît : bière.
- Ayant repris un travail supplémentaire qui normalement ne lui incombe pas, le coordinateur s’épuise. Il a également de plus en plus de mal à déléguer, voyant que ses animateurs se démotivent et paraissent de moins en moins à la hauteur. De l’aigreur et des reproches voient le jour, des tensions s’installent. Le cercle est vicieux.
Que nous apprend cette histoire ?
Les conclusions que l’on peut tirer de cette histoire sont multiples. L’intelligence étant une des rares choses qui augmente en étant partagée, utilisons le forum pour échanger autour de ce que cette situation nous inspire. Pour ma part, voici déjà 3 enseignements qui me viennent à l’esprit :
- Donnons tout d’abord un élément de réponse à notre question initiale : une équipe n’est pas intrinsèquement démotivée, elle le devient. Trouver et utiliser les leviers pour faire grandir cette motivation fait partie intégrante du travail d’un manager.
- Il est essentiel de faire monter ses équipes en compétence plutôt que de restreindre leur champ de responsabilité. Comment ne pas se sentir inutile et dévalorisé si quelqu’un reprend les tâches qui nous incombent ? Le travail d’un manager n’est pas de montrer qu’il sait faire mieux que les autres, mais plutôt de les aider à faire progressivement aussi bien, voire mieux que lui.
- Faire confiance ne veut pas dire laisser ses équipes se débrouiller. Le travail d’un manager consiste aussi à définir une vision et une stratégie d’amélioration, pour permettre à ses équipes de progresser et de devenir fières de leur travail*.
*Pour des équipes peu habituées, une liberté trop rapide aboutira en effet le plus souvent :
- À un sentiment de désorganisation (et donc à des performances moindres)
- À une volonté de mettre cette nouvelle marge de manœuvre à l’épreuve (et donc à des débordements)
Le manager Lean et la motivation
Dans son incontournable ouvrage La vérité sur ce qui nous motive, Daniel Pink décortique les différents ressorts de notre motivation. En un mot, il est possible d’être motivé par une activité pour ce qu’elle est, sans promesse de récompense ou peur d’éventuelles sanctions. Cette motivation « intrinsèque » émerge si 3 conditions sont réunies :
- L’autonomie (désir de nous diriger nous-mêmes)
- La maîtrise (ce qui nous pousse à mieux réussir ce que nous entreprenons)
- La finalité (désir de faire partie d’un ensemble plus large que nous-mêmes)
Il est intéressant de noter qu’un manager Lean utilise des outils et des méthodes permettant de réunir chacune de ces 3 conditions.
Capable de fédérer et de motiver une équipe, le manager Lean serait-il donc un manager universel ? Je vous laisse trancher, mais pour moi une chose est sure : le manager Lean serait un excellent coordinateur de camp de vacances 😉
Merci Laurent – excellent partage.
La communication non violente est pour moi un bon outil complémentaire pour aider à faire un feed-back très constructif sur les perceptions de chacun. C’est un déclencheur clé qui permet de refaire confiance!
Merci pour cette histoire et ses enseignements riches. Le manager Lean doit certainement creer les conditions d’émergence de la motivation de ses collaborateurs. Peut être en commençant par leur permettre de réussir dans leurs missions?
Merci Camille et Gustave pour vos commentaires 🙂
Effectivement, le rôle du Manager Lean est en premier lieu de donner à ses équipes les moyens de réussir leur mission tout en augmentant leur part de valeur ajoutée pour leur(s) client(s).
Et créer un climat de confiance me semble également une condition indispensable à l’émergence d’une motivation saine. Sans confiance, difficile de partager les difficultés, et donc de trouver les solutions pour s’améliorer !
Merci pour cet article, je partage le point de vue sur la motivation, j’aurai aimé que les cours de management que j’ai eu l’occasion de suivre me fasse réfléchir de manière plus approfondie sur ce qui nous motive et ce qui motive les équipes.
Ce que vit le coordinateur ressemble, « fortuitement », à des situations déjà vécues en effet. Je trouve qu’il n’est pas toujours facile en situation d’urgence d’avoir le recul nécessaire et de pouvoir prendre le temps d’accompagner son équipe pour lui permettre d’atteindre le niveau de qualité attendu…dans des délais restreints, surtout quand l’équipe ne partage manifestement pas le même niveau d’exigence que le manager. Mais peut-être est-ce là encore une question de motivation de l’équipe, qui n’avait pas le même niveau de motivation que moi et trouvait que les exigences étaient trop élevées au regard de leur perception de l’importance du travail à réaliser. Je n’ai pas su le voir sur le moment en tout cas.
Peut-être qu’un Manager Lean aurait besoin d’un regard extérieur pour l’aider à prendre de la hauteur.
Bonjour Florence, et merci pour ce commentaire 🙂
Effectivement il n’est jamais facile, en tant que manager, de sortir le nez du guidon pour prendre de la hauteur. Peut-être pouvons-nous déjà nous appuyer sur le regard extérieur de chacun de nous, entre membres de ce forum ? 🙂
Quoi qu’il en soit, le rôle du manager Lean représente un réel challenge : réussir à développer progressivement l’autonomie de ses équipes pour se dégager le temps nécessaire à la prise de recul et à l’amélioration.
Un tel changement ne s’effectue évidemment pas en un jour, mais il permet de quitter petit à petit ce rôle de « gestionnaire de l’urgence », tout en apportant davantage de motivation (autonomie, maîtrise, sens) à nos équipes.
Si il y a peu de doutes à ce sujet (tout manager aimerait développer ses équipes et se consacrer à l’amélioration continue !), comment enclencher avec son équipe une telle dynamique dans la pratique ?
1. Tout d’abord, en acceptant qu’il s’agisse d’un travail de longue haleine (!)
2. En impliquant progressivement les membres de l’équipe dans le traitement des problèmes et la recherche de solutions. Pour cela deux possibilités :
– Laisser le champ libre à l’équipe (« Comment feriez-vous pour résoudre ce problème ? ») -> nécessite que l’équipe soit force de proposition sur le sujet
– Proposer un début de solution à l’équipe sur un problème qu’elle rencontre (« J’ai pensé que l’on pourrait mettre ça en place, qu’est-ce que vous en pensez ? ») -> ne pas hésiter à faire tester (de façon simple et peu coûteuse !) une telle solution, en encourageant l’équipe à apporter ses améliorations
Notons que cette étape est parfois difficile pour un manager : il faut en effet accepter que la meilleure solution ne soit pas la sienne, mais celle qui est reconnue comme telle par l’équipe. Cela revient à apprendre à déléguer, faire confiance et renoncer à une éventuelle volonté de vouloir tout contrôler 🙂 Un niveau d’exigence plus élevé pourra alors être recherché par la suite, en montrant à l’équipe son importance et la façon de le satisfaire.
Bonjour à tous,
Je voulais vous faire part de mon expérience. Les bonnes pratiques managériales que vous citez ne sont pas nouvelles et bon nombre de formations managériales les diffusent depuis longtemps. Il est vrai que sous couvert de l’agilité, du lean… elles sont réaffirmées et sans doute plus outillées (ère du digital oblige) que par le passé.
Néanmoins, je souhaite attirer l’attention sur le fait que tout ne vient pas du manager. La motivation, l’initiative doivent être partagées et portées aussi par les membres de l’équipe et seront, à coup sûr, plus facilement révélées avec un manager qui les porte aussi. L’expérience me démontre (je fais du management depuis plus de 20 ans) que d’autres paramètres influencent largement le degré de motivation des membres de l’équipe même si le manager donne envie. Leur parcours professionnel et les blessures professionnelles, le fait de travailler sur des activités très transverses où le top management peut aussi donner envie ou pas, bref, l’écosystème dans lequel nous évoluons tous.
Merci.
Bonjour Boutersky et merci pour ce partage 🙂
Effectivement, l’écosystème et le vécu des personnes (sans aucun doute aussi leur personnalité !) peuvent influencer fortement leur degré de motivation, je partage tout à fait votre analyse.
Dans l’écosystème d’une entreprise, le rôle du top management me semble majeur : par son exemplarité dans l’utilisation de ces outils de management d’une part, mais aussi par sa capacité à redonner du sens aux actions effectuées sur le terrain des opérations. Comment décliner les objectifs stratégiques en objectifs opérationnels concrets pour les équipes ? Comment rendre visible la contribution de chacun à l’effort global ?
Derrière ces interrogations se cache la question du sens dont parle Daniel Pink : sans cet effort d’alignement des actions avec la stratégie globale, difficile pour nos collaborateurs de croire en ce qu’ils font.
Bien évidemment, d’autres facteurs liés au top management peuvent jouer sur la motivation des employés : changements stratégiques incessants, multiplication des projets prioritaires, etc.
Mais pour cette problématique, ne pensez-vous pas que la déclinaison des pratiques du Manager Lean à tous les niveaux d’une organisation pourrait déjà résoudre bien des problèmes ? 🙂
Bonjour Laurent,
Merci beaucoup pour votre réponse, elle m’apporte un éclairage différent et de nouvelles ouvertures !
De rien Florence ! Ravi d’avoir pu vous être utile 🙂