Je vous propose ici un avant goût des méfaits que je pointe du doigt dans mon ouvrage « L’Antibible du Contrôle de Gestion« … 😉
La plupart des dirigeants pilotent leur entreprise sur la base de vieux principes de gestion que nous avons bien du mal à remettre en cause…
Voici quelques-uns de ces principes :
- Déroger le moins possible au budget,
- Exceller dans les prévisions pour anticiper les besoins,
- Se focaliser sur les indicateurs,
- Arbitrer sur la base des coûts de revient,
- Réduire les coûts,
- Systématiser le recours à Pareto
- Juger les employés sur la bonne mise en œuvre des procédures
- – …
Si vous reconnaissez dans ses différents principes vos propres réflexes ou des agissements au sein de votre entreprise, c’est que vous avez à vos pieds des gisements de gains insoupçonnés !
Sur le respect du budget, jamais, non jamais tu dérogeras !
Les budgets sont sclérosants ! Ils figent un niveau d’investissement et de dépense sur la base d’une projection qui ne se réalise jamais. Ainsi, il peut arriver que des projets porteurs soient retoqués alors qu’ils pourraient aisément générer des bénéfices. Inversement, les budgets sont truffés de lignes de dépenses sont systématiquement reportées d’année en année ; le plus souvent, par paresse ou parfois même de manière sournoise pour conserver des marges de manœuvre.
Si le budget est un outil particulièrement efficace pour réguler les dépenses, pour autant il convient d’en comprendre le mécanisme pour ne pas arriver à ce genre de décision contreproductive. Ainsi, un budget doit rester souple pour permettre d’engager des fonds si une opportunité se présente. De la même façon, il conviendra balayer systématiquement l’ensemble des lignes budgétaires pour s’assurer de leur pertinence au fil des ans.
Dans les prévisions tu excelleras !
Anticipation, Anticipation, Anticipation… Ce mot est de plus en plus à la mode, comme si nous pouvions tout prévoir. Les prévisions sont tellement valorisées dans les entreprises que nous en oublions que le propre d’une prévision est d’être inexact. Pourtant depuis plusieurs années, de nouveaux concepts comme le Cygne Noir de Taleb, le point de bascule de Gladwell, la segmentuition de Millier…etc devraient nous amener à nous interroger sur notre illusoire capacité à appréhender le futur sur la base des données du passé. Plutôt que de chercher à deviner l’avenir sur la base des éléments du passé, nous devrions projeter dans l’avenir nos propres aspirations et tout mettre en œuvre pour les réaliser !
Sur le résultat des indicateurs, tu te focaliseras !
Il est de notoriété publique que les indicateurs sont sources d’amélioration. Pour autant il convient de bien comprendre le fonctionnement d’un indicateur pour éviter les désastres qu’il peut occasionner s’il est mal utilisé. Il convient notamment de s’assurer que l’indicateur couvre le bon périmètre.
Prenons l’exemple connu de la pêche. Si chaque pêcheur suit uniquement l’indicateur de sa propre récolte, il pourra se féliciter de toujours améliorer le résultat de son travail. Maintenant, si tous les pêcheurs raisonnent de la même façon, chacun dans leurs coins, ils se satisferont de la situation. Puis arrivera le jour où la quantité de poisson sera insuffisante pour assurer à tout le monde une activité… Le quota devient alors nécessaire, alors que nous aurions pu éviter un tel désastre si en amont un indicateur global avait été positionné pour restituer la différence entre le taux de natalité et les volumes de poissons pêchés.
Voilà comment un indicateur en fonction de son périmètre peut entrainer des dysfonctionnements. Ce cas n’est pas simplement anecdotique. Dans la plupart des entreprises, les indicateurs se limitent à la mesure de la performance d’indicateurs locaux comme la performance d’un service.
Le périmètre n’est pas le seul élément à prendre en considération dans la mise en place d’un indicateur… La fréquence de mise à jour, la qualité de la mesure, le support de communication… sont autant d’éléments qui devront retenir votre attention.
Sur la base des coûts de revient, ton arbitrage se fera !
Nos entreprises n’ont qu’une seule préoccupation : réduire les coûts. Quand on subit l’évolution du marché, que l’on projette l’activité de l’année à venir sur la base du chiffre d’affaires de l’année passée, la seule option pour améliorer le résultat semble être la réduction des coûts. Ainsi, tous les arbitrages se font sur la base des coûts de revient. Si nous devons faire un investissement alors celui-ci doit déboucher sur une réduction de coût. Si nous devons mettre en avant un produit, nous focaliserons notre attention sur les produits qui ressortent comme apparaissant les plus rentables… Le problème, c’est que les méthodes de calcul des coûts utilisés ont un siècle de retard. Ainsi le calcul des coûts complet, l’ABC (Activity Based Cost), l’évaluation des coûts directe ou indirecte… Nous amènent à prendre des décisions qui réduisent le bénéfice plutôt que de l’augmenter. Malheureusement, la complexité grandissante des entreprises nous éloigne de plus en plus de la compréhension des mécanismes financiers, si bien que perpétuons les erreurs de pilotage sans même nous en rendre compte.
Avec Pareto, tous tes problèmes, tu résoudras !
Depuis la démocratisation de la loi de Pareto dans les années 80, le recours à cet outil n’a jamais cessé de progresser dans les entreprises. Le principe est le suivant : sur chaque problématique rencontrée, il convient d’identifier les 20% des causes qui produisent 80% des effets pour agir dessus et ainsi bénéficier d’un effet de levier optimal.
Si dans certains contextes cet outil est très performant du fait de sa simplicité de mis en œuvre, l’extension de son utilisation soulève quelques limites. Pour commencer, il sera plus difficile d’agir sur les 20-80 d’un même problème deux années de suite. La difficulté de cumuler plusieurs fois de suite la loi de Pareto sur un même problème est bien connue. Cependant, dans la réalité, les managers se voient toujours reporter d’année en année les mêmes indicateurs à améliorer.
Le deuxième point, c’est que la loi de Pareto repose sur l’idée que toutes les variables sont indépendantes (aucune variable d’entrée n’a de lien de cause à effet sur les autres variables). Dans les faits, les variables sont rarement totalement indépendantes, si bien que l’amélioration de l’indicateur par une variable peut facilement entrainer l’augmentation du problème via une autre variable d’entrée.
Allons même plus loin, si nous sommes capables de comprendre les interactions qui se jouent sur l’ensemble du problème, alors il devient possible d’agir sur seulement 1% des causes pour impacter 99% du résultat ! Mais pour cela, il faut s’accorder sur le fait que Pareto n’est pas l’outil à considérer de manière systématique.
La nécessité de changer de modèle de pensée…
Tous ces vieux principes du contrôle de gestion et bien d’autres encore reposent sur une approche très analytique qui nous conduit à segmenter les problèmes pour mieux les résoudre. En agissant ainsi, nous nous coupons de l’essentiel : la compréhension du fonctionnement global l’entreprise. Pour corriger le tir, une solution : adopter une approche systémique !