Dans mon article d’hier je faisais référence à un billet publié sur Rue89 remettant en cause l’utilisation du Lean pour améliorer les performances de nos entreprises françaises…
Petit rattrapage pour ceux qui ne l’auraient pas lu… Grosso modo j’expliquais que l’utilisation qui était faite des outils Lean était aux antipodes de l’esprit Lean. Et pour conclure, plutôt que de m’arrêter à ce constat pour entériner définitivement la question (après tout nous pourrions penser qu’il suffit d’utiliser les outils Lean en respectant l’état d’esprit du Lean et les problèmes disparaîtront…), j’ouvrais le champ à une autre problématique sous-jacente qui est celle de la culture.
Oui la culture !
Je l’ai déjà dit, mais je tiens à le répéter : si nous pouvons observer tous ces travers à l’utilisation des outils du Lean c’est que nous les utilisons en occultant totalement l’état d’esprit dans lequel ils ont été pensés.
Et pourquoi d’après vous, nous occultons le sens de ces outils ? Simplement parce que le sens ne nous intéresse pas !
Imaginez : vous êtes consultants. Vous avez pris conscience de la puissance du lean dans toutes ses dimensions. Vous êtes persuadé qu’une entreprise totalement Lean est beaucoup plus performante. Qu’elle est capable de se définir une vision. Qu’elle dispose de la volonté et la conviction de satisfaire les besoins de toutes ses parties prenantes (client, SALARIES, actionnaires, fournisseurs…). Vous visualisez ? Vous le voyez le modèle parfait qui ronronne sous vos yeux ?
Maintenant vous vous rendez chez un de vos clients ou prospects FRANCAIS… Qu’est-ce que vous lui dites pour le convaincre de mettre en place ce modèle, CE SYSTEME ? Pas les outils, mais bien le système, puisque vous êtes convaincu que c’est le système global qui fonctionne comme un tout indissociable… Hein qu’est-ce que vous lui dites ?
Vous lui parlez du monde merveilleux de Oui-Oui… heu de TOYOTA ? Ou les salariés sont à l’origine des améliorations ? Ou les managers sont davantage sur le terrain que dans leur tour d’ivoire ? Ou la valeur apportée au client est au centre de toutes les préoccupations ?
Franchement ???
Franchement non ! Vous lui vendez une mission où vous êtes sûr que vous obtiendrez les résultats que vous annoncez… Et s’il faut marketer un peu l’offre pour qu’elle passe mieux, vous mentionnerez les outils que vous allez utiliser (VSM et tout le toutim) avec à l’appui des exemples de gains déjà obtenus par le passé. Mais jamais vous ne vendrez l’état d’esprit, peut-être parce qu’inconsciemment vous savez que c’est peine perdue dans le pays de Descartes !
J’en ai personnellement fait les frais… Suite à une première visite de site. Je propose de lancer un projet VSM sur un entrepôt logistique. Et j’en profite pour mentionner que globalement si les gens sont motivés pour s’améliorer la culture actuelle n’est pas vraiment très Lean… (Prime sur objectifs personnels, Objectifs locaux, Management visuel inexistant, mauvaise communication interservices…) et donc qu’il y aurait un sérieux travail à faire de ce côté là.
Résultat des courses… Le changement de paradigme leur a fait tellement peur qu’ils n’ont pas souhaité lancer le projet.
Alors que faut-il en déduire ? D’un côté, nous avons le choix entre vendre l’efficacité des outils et espérer que l’état d’esprit se diffuse petit à petit… D’un autre côté, nous pourrions poser en postulat d’intégrer de démarrer par la culture pour pérenniser les résultats, mais ce serait prendre le risque de ne convaincre qu’une minorité d’entreprise…
Face à ce choix cornélien, la réalité économique a pris le dessus et les consultants ont vendu leurs outils avec les résultats courtermistes que nous sommes en droit d’attendre. Alors forcément il faut bien qu’il y ait un retour de bâton un jour ou l’autre.
Des entreprises qui nous redonnent espoir… Ca existe !
Mais ne nous alarmons pas trop quand même… Personnellement j’ai eu la chance de visiter des entreprises comme FM Logistic où l’Homme est au cœur du dispositif… Et même s’ils n’ont pas encore passé le pas de l’utilisation des outils, ils devancent de très loin leur concurrent sur l’état d’esprit qui les anime !
Nous sommes là face à un vrai débat sur lequel je serais curieux d’avoir votre point de vu ! 😉
Bonjour Florent,
Tu as raison d’insister sur la culture de l’entreprise et sa capacité à mener les changements.
Le Lean est une « caisse à outils » permettant de « Penser l’entreprise au plus juste » dans un environnement mondial en perpétuel évolution.
Le livre de James Womack et Daniel Jones s’attache bien à montrer, à travers des projets menés dans des entreprises américaines, européennes et japonaises, que le déploiement de la démarche Lean n’est pas nécessairement beaucoup plus avancé au Japon (berceau de la démarche avec Toyota).
Ce livre est une recueil d’expériences accumulées sur de nombreuses années : http://www.ameliorationcontinue.fr/lean/
Cordialement
Pascal Weber