::- Article proposé par Eponine Pauchard, spécialiste en amélioration continue -::
::- en reportage au salon MPA de Montréal -::
L’entreprise
Bombardier est un des succès majeurs du génie québécois. Si aujourd’hui l’entreprise emploie plus de 70 000 personnes dans 60 pays et 76 sites de production et d’ingénierie dans ses deux branches transport et aéronautique, Bombardier a été crée en 1941 par un québécois qui voulait qu’il soit aussi facile de se déplacer en hiver qu’en été et qui a inventé la motoneige.
J’ai rencontré Gervais Abel, ingénieur mécanique, analyste en gestion totale de la valeur. Il travaille pour Bombardier Aéronautique, dont le siège et une des usines sont à Montréal.
Le projet
Bombardier a décidé d’avoir une nouvelle approche pour gérer son amélioration continue. Au lieu de se concentrer sur un atelier ou un secteur de production, l’entreprise s’intéresse à une composante de l’avion, et regarde la valeur totale de cette fonction, de la conception à la production. C’est de cette façon qu’ils peuvent évaluer et gérer toute la chaine de la valeur.
Le projet a tout d’abord été mené sur l’aile, suite au succès, c’est maintenant le cockpit qui est étudié de près.
Le travail est réalisé avec une équipe multidisciplinaire comprenant en particulier des ingénieurs concepteurs et des opérateurs monteurs. La première étape consiste à dresser la liste des irritants. Pour générer de la créativité, Gervais utilise une liste de questions :
– est-ce qu’on changer le processus ou la séquence ?
– est-ce que les opérations sont continues ?
– est-ce que les résultats sont bons à tous les coups ?
– existe-t-il des opportunités pour simplifier le processus ou la composante ?
– est-ce que la pièce peut être faite dans un autre matériau ?
– Comment les autres équipes accomplissent cette tache ?
Pour l’aile, sur quatre demies-journées d’atelier, ce sont 75 idées d’améliorations qui ont été générées.
Chaque idée est analysée et un business case (faisabilité, couts, bénéfices) est monté. Environ 25 % des idées sont acceptées et implantées, pour les autres, l’ingénieur ou la personne décisionnaire donne les explications sur les raisons du refus. En comprenant pourquoi ce n’est pas possible ou trop couteux, les opérateurs n’ont pas de frustrations et peuvent proposer de meilleures idées pour la suite.
Les refus peuvent être de deux types : rentabilité financière et problème de poids (l’avion doit peser le moins lourd possible), dans le premier cas, l’équipe challenge les business case : pourrait-on implanter cette idée pour plusieurs secteurs ? gains softs non pris en compte,… Pour les refus en lien avec le poids, les opérateurs suggèrent de réaliser les idées partiellement.
Au Québec, un crédit d’impôt est accordé aux entreprises pour l’innovation et la créativité, ce crédit peut parfois fait pencher la balance du bon côté quand une solution innovante n’est pas tout à fait rentable.
Avec plus de 2000 salariés, cette méthode ramène également un côté plus humain dans les relations : il donne l’opportunité aux ingénieurs et aux opérateurs d’échanger ensemble. Briser les silos entraine un enrichissement mutuel.
Gervais a également noté une très faible résistance lors de l’implantation des idées : ce sont celles des opérateurs, et ils les ont largement partagées avec leur collègues avant l’implantation.
Bien qu’il soit maintenant passé sur le cockpit, les opérateurs de l’aile proposent encore des idées à Gervais. D’ailleurs il a un bureau particulier : il s’agit d’une sorte de war-room, avec toutes les idées et les avancement accrochés au mur, le bureau est ouvert et tant les opérateurs que les ingénieurs viennent proposer de nouvelles idées ou suivre l’avancement.
L’avenir
Tout le monde connait la complexité d’un avion, après l’aile et le cockpit, il reste de nombreuses composantes à étudier. De plus, chaque équipe continuant à générer des idées après la fin du « blitz », je gage que Gervais a encore beaucoup de travail. Le cycle de l’amélioration continue est en marche.
À retenir :
En donnant l’opportunité aux ingénieurs ou aux financiers d’expliquer aux opérateurs pourquoi leurs idées ne seront pas implantées, une confiance mutuelle s’installe et de nouvelles idées sont générées