Anne-Laure Delpech aide les entreprises de Bretagne à révéler leurs potentiels en réduisant les gaspillages et mobilisant les salariés. Elle anime le blog Parcours-Performance, sur le lean et, plus généralement, sur la manière de produire mieux, immédiatement et simplement
Le stress touche un tiers des dirigeants de TPE, plus de 40% des salariés. Ses conséquences peuvent être dramatiques au plan individuel et sont très coûteuses pour la Société et les entreprises.
Plusieurs facteurs de stress sont directement liés à l’organisation du travail et à la qualité des relations interpersonnelles. Il m’a donc semblé intéressant de voir comment le lean pouvait favoriser ou réduire le stress dans les entreprises.
Le stress, qu’est-ce que c’est ?
Selon l’Agence européenne pour la santé et la sécurité au travail, « un état de stress survient lorsqu’il y a déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face ».
Les conditions de travail sont essentielles.
De nombreuses études montrent que les conditions de travail ont un impact indiscutable sur les troubles musculo-squelettiques (TMS) et les risques psychosociaux (RPS).
Alors, le lean peut-il être responsable du stress des salariés ?
Oui, de manière certaine ! C’est le cas lorsque le travail au poste est défini de manière très précise par des personnes qui n’y travaillent pas. C’est aussi le cas lorsque les salariés ne peuvent pas exprimer leurs difficultés quotidiennes ou que leurs témoignages ne provoquent aucun changement.
Une définition de poste trop rigide
Les ergonomes et kinésithérapeutes spécialisés dans le travail disent bien que chaque personne est différente. Il y a donc une variabilité importante à laquelle un poste défini de manière trop rigide ne peut pas s’adapter.
Il en va ainsi pour cette opératrice à laquelle on voudrait prescrire une méthode standardisée pour plumer une caille. Elle explique qu’elle a des douleurs aux doigts dès qu’elle respecte le standard plus de 30 minutes d’affilée. Elle dit également que depuis que la cadence a augmenté, elle a peur de ne pas aller assez vite. Or, pour tenir cette nouvelle cadence, les « experts » ont défini qu’il fallait plumer avec cette nouvelle méthode. Cette opératrice se trouve ainsi stressée car elle ne peut pas faire face aux exigences de sa hiérarchie.
Les agents « lean » de l’entreprise ont conçu le nouveau dispositif, en cherchant surtout à réduire les coûts salariaux. Ils n’ont jamais entendu cette opératrice ou ces collègues.
Pas de moyen de réduire ses difficultés
J’ai visité des entreprises « lean » dans lesquelles les salariés ne sont pas impliqués dans la résolution des problèmes qu’ils vivent au quotidien. Ainsi, les suggestions des salariés sont encouragées, mais leur mise en œuvre est décidée, ou non, par un comité que personne ne connaît, selon des critères non communiqués. Un salarié peut donc rencontrer les mêmes problèmes tous les jours, pendant des années, et il n’a presque aucun moyen d’agir.
C’est vraiment une situation intolérable.
Nous pouvons donc conclure que certaines organisations intitulées « lean » sont toxiques.
Peut-on dire que certains « lean » réduisent les risques psychosociaux ?
Oui, de manière certaine également.
De nombreux spécialistes s’accordent à dire que la participation de tous est un facteur de réduction des risques psycho-sociaux. C’est le cas lorsqu’on favorise le débat des salariés sur la réalité de leur travail, qu’on facilite la prise d’initiatives, qu’on écoute les personnes, qu’on les incite à prendre en main la résolution des problèmes rencontrés.
Le lean management est fondé sur le respect des personnes et sur la résolution des problèmes par le niveau hiérarchique le plus faible possible. Une entreprise qui déploie le lean en s’appuyant sur ces deux principes va donc certainement favoriser l’expression des salariés et leur donner les moyens d’agir.
Cependant, les responsables doivent rester vigilants sur deux aspects :
• Même les salariés impliqués ont tendance à élaborer des règles draconiennes pour leurs postes de travail ! J’ai souvent constaté ça. Il faut donc aider les équipes à ne standardiser QUE ce qui doit absolument l’être (ce qui touche à la sécurité des personnes et à la qualité des productions en général).
• Les Directions ont souvent envie d’obtenir des résultats rapidement. Et pour eux, un résultat s’exprime en euros. Il faut aider les dirigeants à choisir entre des résultats immédiats, mais peu durables et des résultats plus faibles au début mais qui croissent ensuite sans interruption.
On notera aussi que plus l’entreprise est grande et plus il est difficile d’écouter et de faire participer tous les salariés. Le rôle des managers de proximité (chefs d’équipe par exemple) est alors essentiel. Il convient de prévoir de les aider à assumer cette fonction très tôt dans le processus de déploiement du lean management.
Autres sources d’informations
blog.netpme.fr
Excellent article!On sent le vécu et la sagesse!
Au respect des personnes, la résolution des problèmes au plus bas niveau et ne pas vouloir se fixer des règles / standards inatteignables, j’ajouterais juste de bien impliquer tous les services.
Quand on organise un 5S sur une zone, il devrait être instinctif de convoquer les services supports en plus des oérateurs (qualité, sécurité, méthodes notamment). Le lean devrait avoir aussi cette force de rassembler les personnes autour de leurs problèmes et de leurs opportunité de progrès.
Merci Pierre pour ce commentaire !
Et oui, c’est vrai qu’il faut bien impliquer tous les services. Les groupes doivent être aussi divers que possible.
Il faudra cependant faire très attention à ce que les représentants des services support restent bien dans ce rôle de « support », « soutien ». Ils ne devraient pas se substituer aux opérateurs pour trouver des solutions mais bien soutenir leur démarche et leur acquisition de compétences.
C’est pourquoi, au début, on peut préférer associer les services supports seulement pour des apports de connaissance ponctuels et bien définis.
Evidemment, ça dépend des sujets et aussi des personnalités dans le groupe.