3 – L’ouverture
Une nouvelle table était un événement suffisamment important dans cette ville moyenne d’une région ravagée par la crise pour que l’information se propage rapidement.
C’est ainsi que La Belle Équipe connut une affluence, fort convenable, et en tout cas au-delà des espérances de Patrick, dès les premières semaines. Il goûtait chaque jour le plaisir de cette nouvelle vie, la fierté d’être patron, le bonheur de cuisiner avec sa maman, les échanges avec les clients qu’il ne manquait jamais de venir saluer en fin de service. La cuisine proposée plaisait énormément. Tous les produits étaient frais, si possible locaux et transformés sur place : le congélateur et le micro-ondes étaient bannis ! Les frites « maison » devinrent rapidement la renommée de l’établissement.
Bien sûr cette exigence de qualité avait un prix et Patrick avait dû mettre en œuvre ses maigres connaissances de gestion pour calculer ses coûts de revient et fixer ses tarifs. Passé les premiers mois d’euphorie, la clientèle se stabilisa et Patrick fut confronté à un phénomène dont il n’avait pas soupçonné l’ampleur : la fluctuation de la demande ! Il pouvait ainsi passer d’un service complet à quelques couverts le lendemain. Les achats devinrent très vite un vrai casse-tête : parfois il avait trop et devait jeter, d’autres fois il manquait et devait refuser du monde.
Ne voulant pas déroger à sa charte de qualité, il dut revoir après quelques mois d’activité ses prix à la hausse pour absorber ce phénomène. Il eut quelques remarques de ses clients à ce propos et certains vinrent moins régulièrement. Heureusement, il avait toujours ses « aficionados » qui étaient sensibles à son haut niveau d’exigence. C’est ainsi que Patrick passa sa première année d’exercice, un peu en demi-teinte. Mais son bilan était négatif et le comptable allait bientôt lui faire part de son verdict !