5 – La descente
Le menu de La Belle Équipe n’avait pas fondamentalement changé. Les prix avaient un peu augmenté, mais raisonnablement. La carte des vins présentait toujours les mêmes appellations mais les flacons ne provenaient plus des petits vignerons que Patrick affectionnait tant. C’est en cuisine que la métamorphose s’était opérée : le congélateur avait pris la place d’une chambre froide et les plats sortaient maintenant au rythme de la cloche du micro-ondes.
La maman de Patrick ne passait plus qu’épisodiquement, son rôle étant moins justifié à présent. Et les résultats de gestion furent fulgurants. La trésorerie revint très rapidement dans le vert, il n’y avait plus de pertes et on ne refusait plus jamais un client pour manque de matière : la fluctuation de la demande était sous contrôle ! Patrick admirait son comptable qui, ne connaissant rien à son activité, avait su lui prodiguer les conseils salvateurs. Pourtant son plaisir n’était plus le même, il était maintenant moins à l’aise lors de son traditionnel tour de salle : il n’était plus fier de lui. « Mais il faut bien manger, c’est comme ça ! », essayait-il souvent de se convaincre.
Pendant les trois premiers mois de cette nouvelle gestion, le restaurant prospéra grâce à la clientèle que Patrick avait su fidéliser jusqu’à lors. Mais bientôt il constata que ses « aficionados » étaient moins assidus, moins élogieux et que certains ne venaient plus du tout. Il notait également que l’ambiance conviviale avait disparu : son restaurant n’avait plus d’âme. Très vite, il perdit complètement ses habitués et le lieu ne fonctionnait désormais qu’avec des clients de passage. Chaque repas servi était très rentable mais il en servait de moins en moins ! Il dut pour finir se séparer de Jean-Philippe afin de maintenir ses marges.
Patrick avait mis le doigt dans la spirale dévastatrice du coût de revient unitaire !