Je vous propose un exemple de mise en place d’une carte de contrôle dans un Centre de Service, peut-être un peu détourné de son objectif initial tel que décrit dans l’article de Vincent P., mais c’est pour nous un formidable outil de management.
Le contexte
Je vous ai parlé dans l’article précédent d’un Centre de Services recevant les appels des utilisateurs dans lequel nous avons mis en place un début de management visuel. Ce Centre de Services, comme beaucoup est piloté avec des indicateurs, certains contractuels, d’autres non.
Les indicateurs classiques :
• Volume d’appels,
• Nombre de collaborateur
• Taux de décroché en moins de xx secondes,
• Taux d’escalade en moins de xx secondes,
• Taux d’autonomie
• Taux de réouverture des dossiers
• Taux de satisfaction
• …
La question
Comment piloter cet indicateur ?
En général, le superviseur du centre de services regarde l’évolution de l’indicateur à la journée, ou demi-journée. On traite souvent en mode task-force pour arriver au résultat si on n’est pas au rendez-vous.
Est-ce la bonne méthode ?
Je ne cacherais pas que cela fonctionne, mais l’exercice est épuisant pour les équipes, et apporte du stress à tout le monde et surtout, il est difficile de prévoir si nous atteindrons l’objectif.
Une carte de contrôle ?
Je vous renvoie, pour l’explication de ce que sont les cartes de contrôle à l’article de Vincent P.
Pour notre part, nous avons au départ ambitionné simplement un management visuel qui s’est enrichi au fur et à mesure.
Le calcul de l’indicateur est journalier et consolidé mensuellement :
Ce calcul est simple. Ne sont pas comptabilisés les appels qui sont abandonnés par l’utilisateur inférieur au temps défini.
Exemple, si nous considérons acceptable qu’un utilisateur attende 10secondes au téléphone, tous les appels raccrochés avec ces 10secondes ne sont pas comptés. Evidemment, ce temps conditionne notamment les effectifs.
Ce tableau ci-dessus (SLAM) est un exemple de reporting.
Permet-il de déterminer si le processus est dans ses limites de contrôle ? Pas vraiment. Nous savons juste si la cible contractuelle mensuelle est atteinte.
Nous nous sommes donc arrêtés à simplement mettre sous contrôle le processus et non pas pour l’instant travailler sur l’atteinte des spécifications client.
L’idée n’était pas de recentrer le processus, mais dans un premier temps, de VOIR sa variation naturelle ou exceptionnelle.
Réduire la variation avant de centrer sur les objectifs.
Comment avons-nous fait ?
Nous nous sommes appuyés sur des données de mois n’ayant pas été sujet à des Incidents Majeurs ou des périodes de congés et conséquemment des flux d’appels différents du fonctionnement normal.
Afin de faciliter le rendu et la mise à jour, nous avons décidé de conserver les limites de contrôle haute et basse calculée par le logiciel afin d’établir cette carte.
Nota : les valeurs sont à titre indicatif et ont été changé pour cet article.
Est-ce suffisant ?
Accrocher une carte au mur et demander de la remplir aux équipes est loin de l’esprit que l’on essaie d’instaurer.
Certes, on peut dire « C’est une carte de contrôle qui nous permet de voir les variations intrinsèques du processus ainsi que les variations liées à des causes spéciales. Remplissez le tous les jours. »
A-t-on transmis le savoir, le but, rendu autonome l’équipe et surtout, convaincu de l’intérêt de l’outil ?
Je ne crois pas.
Voici comment nous avons illustré, au fur et à mesure des interrogations le principe souvent sur un tableau blanc en dialoguant avec nos collaborateurs:
– Imagines une séance de tir à l’arc, à ton avis, quelle est la meilleure situation ?
– Hum… je ne sais pas trop, la A, il met dans le mille…
– C’est vrai, mais une seule fois, regarde la répartition…
– C’est vrai qu’on a l’impression que c’est du hasard d’avoir tiré dans le centre.
– Effectivement, et que penses-tu de la situation B du fait,
– Dans un sens, c’est mieux, c’est moins dispersé.
– Oui, je le pense aussi, et que crois-tu qu’il soit le plus facile d’améliorer ?
– Je dirais la B. La A il faut qu’il apprenne à viser (rires),
– Et pour la situation B ?
– Ben, il faut qu’il arrive à center son tir, c’est même peut être dû à un problème sur la visée ou l’arc…
– Oui, c’est tout à fait cela, il sera plus « facile » de recentrer la situation B, car les tirs sont groupés. Alors, imagine maintenant cette situation. Que dirais-tu ?
– Eh bien, ce sont plutôt de bons tirs, sauf celui qui est dehors.
– Comment expliquer cet écart ?
– Un coup de vent si c’est du tir à l’arc, ou quelqu’un qui le pousse ?
– Oui, pourquoi pas, en fait, une cause qui est un peu spéciale
– Oui, carrément !
– Et pour la variation dans le tir groupé ? Pourquoi toutes les flèches ne sont pas les unes sur les autres comme un tir de « Robin des bois » ?
– Ce n’est pas facile, il respire, tremble un peu. Je dirais que c’est normal en fait que cela varie un peu.
– Oui, tu as raison, ce sont des variations « naturelle ».
C’est un peu réducteur concernant les cartes de contrôle, mais cela permet à tous de comprendre sans enter dans des détails qui n’apporteraient pas de valeur.
Le résultat
L’animation de cette carte est quotidienne à travers le report de la performance de la veille et un focus sur le jour proches des limites en visualisant la répartition des appels.
L’animation de cette carte est quotidienne à travers le report de la performance de la veille et un focus sur le jour proches des limites en visualisant la répartition des appels.
Une interprétation est faite à l’image des règles de Western Electric sur les tendances croissantes ou décroissantes.
Parfois, lorsqu’elle n’est pas à jour car le management n’a pas eu le temps, ce sont les collaborateurs qui en font la remarque et rappellent à l’ordre leur Team Leader.
On concrétise un indicateur et on lui donne vie à travers son évolution dans le temps.
De plus, le Service Desk a constamment l’évolution de l’indicateur sous les yeux, cela permet un pilotage plus fin et d’anticiper pour des mois difficiles un peu avant le 30
Un des premiers atouts est de pouvoir rapidement expliquer le taux de décrochés pour une journée, de le lier à des évènements.
Qu’est-ce qui explique cette variation parfois hors des limites ?
Le fait que l’on ne puisse absorber la charge semble la réponse triviale. Oui mais Pourquoi me direz-vous ?
Cela amène à considérer ce qu’ITIL® nomme des PBA (Pattern of Business Activity), des profils d’activité business qui représente la variation de l’activité métier permettant de dimensionner les services.
Ces profils traduisent des variations en fonction des heures, semaines, mois (saisonnalité), et sont des entrants au processus de Gestion de Capacité des Services (au sens large)
Ces variations du volume d’appels et surtout de la répartition d’appels (qui dégradent l’indicateur de taux de décroché) peuvent trouver des explications entre autre dans :
• Les incidents majeurs, qui impactent un grand nombre d’utilisateur. (On active généralement un serveur vocal dans ces occasions pour informer les utilisateurs et limiter les appels afin d’en traiter d’autres qui sont impactant)
• Une absence non planifiée de collaborateur, dans des équipes dimensionnées pour un certain volume, une absence pose parfois problème,
• Une répartition d’appels hétérogène, sans forcément une explication de fond,
• La maturité des collaborateurs, pour la gestion des utilisateurs lors des pics d’appels,
• Une répartition non adaptée des collaborateurs sur la plage de couverture, c’est-à-dire une mauvaise répartition de la capacité de décroché par rapport à la charge
• …
D’autres horizons
Des réflexions sont en cours pour arriver à absorber les variations d’appels, notamment sur l’éradication des causes spéciales de variation, et des idées émergent de nos collaborateurs.
Cette carte nous permet de comprendre certaines difficultés et d’autres chantiers seront surement lancés tels que :
– Analyser les patterns d’appels et les modéliser (théories des files d’attente, PBA plus fin),
– Trouver des solutions simples pour absorber les surcharges temporaires,
– Calculer une capability,
– …
Gageons que certaines seront prochainement en place 🙂
Remerciement
Encore une fois, je profite de cette tribune pour remercier notre client, le management qui voit son rôle évoluer et bien sûr les équipes qui nous supportent (dans tous les sens du terme ).
Have Fun!
Auteur :
Grégory CERISIER
Expert ITIL®, Black Belt Lean Six Sigma
Responsable de la communauté Best Practices & Methods, Consort NT, Agence Nord.