La terminologie du Lean Six Sigma et sa mise en œuvre via le DMAIC (Définir, Mesure, Analyser, Innover, et Contrôler) est devenue tellement commune, qu’on en oublierait presque la petite sœur nommé DFLSS (Design For Lean Six Sigma) qui se met en œuvre via le DIICV (Définir, Identifier, Innover, Concevoir, et Vérifier).
Pourtant, les deux méthodologies ont des utilisations qui leur sont bien propres… Il serait donc dommage de tomber dans la facilité du DMAIC du fait qu’on le maîtrise alors que nous sommes face à un nouveau processus, un nouveau produit, un nouveau service, un nouveau point de vente…
Bref, vous l’aurez compris le DMAIC s’attaque à l’amélioration d’un processus existant pour l’amener à un niveau 6 sigma de qualité alors que le DIICV va concevoir un processus qui sera directement optimisé.
Vu comme ça on pourrait se dire que c’est impossible d’utiliser un DMAIC pour concevoir quelque chose de nouveau… Mais dans la réalité, comme ce qui est nouveau est toujours plus ou moins la même chose que ce qui se fait par ailleurs, un projet DFLSS peut tout à fait se concevoir via le DMAIC.
Par exemple si on met en place un nouveau service client sur un nouveau marché, il pourrait être tentant de considérer que ce nouveau service client reprenne les best practices de tous les autres services clients qui sont déjà existants dans l’entreprise. Ainsi, ce projet pourrait prendre la forme d’un projet de standardisation des services clients, plutôt que d’essayer d’innover et de se coller au plus près des spécificités du marché… Car qui dit nouveau marché, dit nécessairement nouveaux clients et qui dit nouveaux clients dit nouveaux besoins clients…
Maintenant que nous avons identifié l’intérêt d’utiliser le LSS et le DFLSS à bon escient, regardons de plus prêt comment s’articulent les deux méthodologies…
Comme je le disais en introduction, le LSS se met en œuvre via le DMAIC :
- Définir : La première étape consiste à définir le projet, l’équipe et le processus. Pour cela nous utiliserons des outils comme la charte de projet, le RACI, ou le SIPOC.
- Mesurer : La deuxième étape consiste à cartographier un peu plus dans le détail son processus et à mesurer les éléments qui s’y réfèrent (indicateurs d’input, de processus et d’ouput). Le livrable de cette phase est la définition du Y qui cristallise le besoin client dans un seul indicateur. Le deuxième livrable important est la validation du système de mesure pour s’assurer que les variations constatées soient bien issues du processus et non d’un problème issu du système de mesure.
- Analyser : La troisième étape consiste à identifier les problèmes symptomatiques pour remonter petit à petit aux causes racines et ainsi identifier les quelques X qui impactent le plus notre Y (identifié dans la phase précédente).
- Innover : La quatrième phase doit permettre d’identifier les solutions à apporter sur les causes racines que nous avons identifiées. Une matrice faisabilité/efficacité nous permettra alors de concentrer nos efforts sur les actions les plus efficientes.
- Contrôler : La dernière phase sera alors l’occasion de formaliser le nouveau standard pour pérenniser les améliorations apportées sur le processus.
Regardons maintenant à quoi ressemble le DIICV… 😉
- Définir : La première étape ne change pas… Elle permet de comprendre la problématique à traiter et à contextualiser le projet de conception (d’un produit, d’un service, d’un processus) par rapport à la vision stratégique de l’entreprise.
- Identifier : La deuxième phase consiste à recueillir l’ensemble des besoins du client et à identifier le marché si nous travaillons sur la conception d’un produit ou d’un service.
- Innover : une fois le marché, les clients et les besoins identifiés, alors il faut passer à la phase d’innovation. Cette phase permettra de recenser les différentes fonctions à assurer par le produit ou le processus conçu. Il est à noter que cette troisième phase s’illustre par un double entonnoir ou dans un premier temps c’est le foisonnement des idées qui sera de mise… Dans un deuxième temps viendra l’heure de sélectionner des solutions les plus pertinentes.
- Concevoir : Ce sera alors le moment de travailler sur la conception plus détaillée de la solution retenue pour en ressortir un prototype ou un processus pilote.
- Vérifier : La dernière phase consistera alors à s’assurer du bon fonctionnement du processus ou du produit. Ce sera notamment l’occasion de contrôler qu’il répond aux spécifications définies en amont. La phase vérifier sera également une belle opportunité pour planifier les prochaines versions d’évolution du produit ou du processus nouvellement créé.
Voilà… Après ce tour d’horizon des méthodologies respectives du Lean Six Sigma et du Design For Lean Six Sigma, j’espère que vous y réfléchirez à deux fois avant de foncer tête baissée sur le DMAIC… ;-D non ? Qu’est-ce que vous en pensez ? Avez-vous déjà eu l’occasion de faire du DFLSS ?
Bonjour Florent,
Merci Beaucoup de cette explication approfondie de la différence entre LSS et DFLSS. Par contre, j’ai des petites questions (par curiosité :)) :
D’après ce que j’ai compris, je peux dire que le LSS est utilisé dans les projets d’amélioration continue, par contre DFLSS est dédié aux projets de conception et de fabrication d’un nouveau produit optimisé, et ce afin de répondre complètement au besoin recherché par le client (n’est-ce pas?).
-Quand on parle d’un produit optimisé, est-ce que le process de fabrication de ce produit est aussi optimisé?? (le but est de savoir est-ce que DFLSS se focalise tant sur le produit que sur le process).
-Quand on utilise DFLSS pour la conception d’un nouveau produit, pouvons nous utiliser un process déjà existant pour la fabrication du nouveau produit, ou nous serons obligés de concevoir aussi un nouveau process??.
Merci,
Hicham
Bonjour Hicham,
Pour répondre à votre question le DFLSS peut aussi bien porter sur un produit / service que sur un processus (ou process).
Enfin, de même il existe bien une étape liée à l’industrialisation… Mais n’ayant pas pratique de DfLSS sur un nouveau produit, je ne pourrai pas vous en dire davantage.
Si un expert du DfLSS passe par là, j’espère qu’il pourra vous apporter cette précision ! 😉
Au plaisir.
Florent.
Bonjour Hicham,
Je ne suis pas expert en DFLSS car il y 15 ans on ne parlait pas de cela. Mais j’ai une grosse expérience de développement de produit et d’industrialisation associée. Nous avions adopté il y a 15 ans déjà ce qu’on appelle le « concurrent engineering » à savoir, le développement en parrallèle du produit et de son industrialisation. Pour résumer, dès la phase idée/prototype, le concept d’industrialisation doit être pris en compte, ce qui permet dès le début de la conception produit de lancer quasiment en même temps la conception du procédé. Il va de soi alors qu’en avançant dans la conception produit, le procédé de production devient une contrainte du produit (et inversement) plus ou moins importante en fonction de l’avancement.
Nous avons ainsi réduit de 50% nos délais de développement passant de 24 mois à moins de 12 mois pour des produits de moyenne et grande série, incluant la fabrication de nouvelles machines.
A votre première question, il faut aussi bien travailler l’optimisation du produit que du procédé de production. Un procédé de production non optimisé sera à l’origine de défaut ou d’ajout de point de contrôle supplémentaire pour les éviter donc un coût induit plus élevé.
A votre 2° question,et c’est la majorité des projets, il est possible d’utiliser des moyens existant de production, cela devient des contraintes du projet, il faut les identifier et en tenir compte dans la conception. L’objectif étant de toujours optimiser le produit et son procédé de production en fonction des moyens disponibles. Ensuite, c’est en fonction du budget alloué, que vous déciderez d’adapter vos moyens de production. Mais attention dans ce cas, si les moyens sont commun qu’une modification n’engendre pas de dysfonctionnement sur les produits existant.
En espérant vous avoir éclairé quelque peu sur vos interrogations.
Cordialement.
Patrice D.
Merci Patrice pour ce riche partage d’expérience ! 😉
Bonjour Patrice,
Merci infiniment pour vos réponses détaillées. Maintenant, je vois bien et je confirme que le DFLSS est appliquée non seulement dans la conception d’un produit déjà optimisé mais aussi sur son process de fabrication.
Cordialement,
Hicham