Je réalise actuellement une mission de conseil dans une PME de service. L’objectif de la mission est de définir une stratégie de développement pour l’entreprise.
Jusqu’ici, la méthode s’est parfaitement déroulée…
- Dans un premier temps, nous avons réalisé une segmentation technique pour identifier les besoins techniques (également appelés applications) couverts par la société.
- En parallèle, nous avons également dessiné la segmentation comportementale des clients pour identifier quelles étaient les grandes familles de motivation d’achat.
- Ces deux segmentations intermédiaires nous ont permis de réaliser une segmentation marché sur la base du couple besoin technique (offre) / comportement d’achat (catégorie client)
- Nous avons alors pu déterminer l’accessibilité naturelle pour l’entreprise de chaque segment en fonction des forces et faiblesse de l’entreprise.
- Enfin, ce diagnostic de positionnement de l’entreprise vis-à-vis de chaque segment s’est prolongé par une évaluation de la rentabilité économique et du potentiel de développement de chaque segment.
Nous sommes donc ainsi arrivés de manière efficiente (3 demi-journées pour être précis) à réaliser une belle cartographie du positionnement de l’entreprise sur son marché.
Cette cartographie prend la forme d’un graphique dont l’abscisse illustre les niveaux de risque sur la partie commerciale, alors que l’ordonnée présente le risque technique. Ainsi, plus le segment est éloigné du coin en bas à gauche du graphique (point 0 de l’abscisse et de l’ordonnée) plus il est difficile d’accès ou dangereux pour l’entreprise (pour des raisons investissement, de coûts de fonctionnement, de barrières à l’entrée…) de s’y développer.
J’ouvre une petite parenthèse, car je suis sûr que vous êtes frustré de ne pas visualiser concrètement cette segmentation de marché… Je vais bientôt réaliser une étude de cas complète de cette mission… C’est la raison pour laquelle je n’illustre pas mon propos même si, croyez-moi, ça me démange ! 😉 Fin de parenthèse.
A ce stade, tout semble aller pour le mieux. L’entreprise dispose d’une vue globale de son marché avec deux informations de contextualisation importante : son propre positionnement vis-à-vis du marché et son intérêt économique. Il ne reste donc plus que deux choses « simples » à faire :
- Faire un choix des segments à attaquer (et donc faire le choix d’abandonner certains marchés),
- puis définir le plan d’action à mettre en oeuvre pour développer la présence de l’entreprise sur les segments choisis.
Mais là blocage ! 🙁
Mes clients ne veulent pas faire de choix ! C’est une PME qui a moins de 5 ans… Pour eux, chaque mois qui arrive est un mois où il faut gagner de nouveaux clients pour être sûr d’avoir assez d’activité le mois suivant. Et ça, c’est un vrai problème ! C’est un vrai problème, car du coup ils se refusent à écarter certains segments de marché.
Voici un petit aperçu de la teneur de nos échanges…
Moi : « Tu vois ce petit segment qui est très éloigné de vos compétences, vous y avez passé énormément de temps alors que ça n’était pas du tout rentable (La rentabilité étant calculé ici par la marge sur coût variable / temps de consommation de la ressource contrainte, cad le temps homme) pour vous… Est-ce que tu es d’accord pour dire que si demain un nouveau projet se présente comme celui-là tu le refuseras, car aujourd’hui le niveau d’activité fait que ton temps est compté et qu’il est donc préférable que tu travailles sur les segments où le chiffre d’affaires par heure de travail est plus important ?
Mon client : Non je ne suis pas d’accord. Je ne refuserai jamais une commande ! Si on peut faire du chiffre d’affaires supplémentaire il n’y aurait aucune raison de s’en priver.
Moi : OK, il n’est pas question de refuser la commande. Mais peut-être pouvons-nous traiter ce marché différemment. Pourquoi par le proposer à un partenaire plutôt que de le traiter vous même. Ou pourquoi pas le sous-traiter si tu tiens absolument à enregistrer la commande.
Mon Client : Non, il n’est pas question de donner à quelqu’un d’autre une opportunité de business que nous pourrions avoir pour nous »
Mon idée aujourd’hui n’est surtout pas de pointer du doigt le comportement de mon client ! SURTOUT PAS !!! J’insiste là dessus, car la position qu’il tient aujourd’hui et qui va certainement le freiner dans son développement est certainement ce qui lui a permis de mener son entreprise où elle est aujourd’hui : c’est à dire une entreprise rentable et solide financièrement.
Mais autant il est important de combattre l’inertie au démarrage d’une entreprise, autant il est fondamental de changer de braquet le moment venu !
Il faut bien comprendre que le point de départ de cette mission, c’est qu’ils ne savaient plus où donner de la tête. Ils travaillent tous comme des acharnés, mais ne disposent pas d’une vue globale pour savoir où aller pour se développer. Bref, ils ont le nez dans le guidon !
Aujourd’hui avec la segmentation, ils bénéficient de cette vue globale et ils sont conscients de l’intérêt de ce travail… Mais la phase finale leur pose réellement problème ! Psychologique, ce serait un déchirement de désintéresser d’un segment de marché… quand bien même ils verraient, de manière f,actuelle que ce marché n’est pas rentable pour eux.
La solution ? Une Vision !
A ce stade, ce qu’il faut pour avancer, c’est une vision. Le travail que nous avons entamé a permis de répondre aux questions :
- Qu’est-ce que vous pouvez faire (Évaluation de la maitrise commerciale de chaque segment) ?
- Qu’est-ce que vous savez faire (Évaluation de la maitrise technique de chaque segment) ?
Mais maintenant il leur appartient de répondre à la troisième question :
- Qu’est-ce que vous voulez faire ?
Sans ce troisième pilier de la stratégie, nous ne pourrons pas avancer… Bien sûr je les accompagne pour les aider à répondre à cette question, mais nous touchons là davantage à leur motivation personnelle, à leur idéal de vie, à la façon dont ils se voient dans 5 ans (combien de salariés, combien de chiffres d’affaires, le rôle de demain des dirigeants opérationnels d’aujourd’hui…), qu’à l’aspect méthodologique de la définition d’une stratégie…
Et vous vous êtes vous déjà retrouvé bloqué en mission ? Que pensez-vous de cette démarche de définition d’une stratégie d’entreprise ? 😉
Bonjour Florent,
Ton questionnement est extrêmement pertinent. Rationnellement, le client aurait intérêt à abandonner tel ou tel projet dont l’analyse le ferait appraître comme non rentable.
En même temps, même si l’entrepreneur est là avant tout pour péreniser son entreprise et maximiser les profits, il reste un élément humain avec toutes ses contradictions et ses paradoxes.
Le travail sur la vision est une excellente idée mais si ce qui te surprend dans son comportement, ce que je nommerais le « processus parallèle » qu’il rejoue avec toi n’est pas traité en amont, le travail sur la vision sera inopérant. Tu traiteras le symptome sans traiter la cause, donc tu le maintiendra dans l’homeostasie.
J’émets l’hypothèse que ton dirigeant est en cours de « construction identitaire professionnelle » et qu’un préalable au travail de vision (vocation, ambitions, valeurs, principes managériaux, priorités stratégiques, plans d’action) devra être précédé d’un travail sur l’identité du responsable.
Bien sûr, c’est une vision du problème avec une lecteur de coach 😉
Gabriel HANNES
Merci Gabriel de ton complément…
En l’occurrence, je crois plutôt qu’il ne s’était jamais poser la question de ce qu’il voulait faire de son entreprise.
D’après ce que j’ai vu, son identité de responsable n’avait pas l’air de lui poser problème… 😉
A bientôt.
C’est là justement où je le vois le lien. Mais bon, c’est encore une fois une hypothèse et vue sous l’angle du coach 😉
Le comportement « attendu » serait qu’il se soit posé la question, en tant qu’entrepreneur. Il ne l’a pas fait, pourquoi ?
Probablement en raison d’un manque de maturité sur la gouvernance d’entreprise… Ou peut-être tout simplement un manque de vision globale…
Mais tout cela s’apprend… J’en profite pour dire que depuis la rédaction de cet article, ce dirigeant a formulé sa vision. C’est donc une barrière qu’il laisse derrière lui. 😉
Salut Florent, tu comprendras que je suis bien d’accord avec tout cela. je vais d’ailleurs lui faire passer le lien à ton client qui dit ‘non non’.
J’ai parcouru ton site, et c’est vraiment bien fichu !
continue comme cela.
Merci Laurent du retour.
Pour info, lors de la dernière séance, nous avons refusé le refus d’un dossier client… C’est l’avantage dans les PME : le pragmatisme et l’envie d’avancer prennent le pas sur difficultés passagères.
Dans une grande entreprise, la sclérose aurait certainement perduré… 😉
A bientôt.