Dans deux articles passés (ici et ici), je vous expliquais comment la causalité circulaire et l’émergence permettaient d’obtenir des améliorations sans avoir à s’attaquer nécessairement aux causes fondamentales…
Je clôturais alors ma démonstration en précisant que ces deux outils prenaient toute leur dimension sur des systèmes complexes… Considérant qu’il était préférable de rester sur la résolution de problème issue des causes fondamentales lorsqu’il s’agissait de systèmes compliqués.
Je vous propose donc aujourd’hui de creuser cette différentiation à faire entre système compliqué et système complexe…
Pour expliquer la différence entre complexe et compliqué je pars toujours de l’analogie du coureur…
Quand on marche, nous faisons quelque chose de simple : mettre un pas devant l’autre.
Quand on court sur 42 km, cela devient compliqué, car le geste est reproduit à de multiples reprises ce qui peut générer des dysfonctionnements (crampe, fatigue…). Mais les gestes restent les mêmes, le système reste donc PREVISIBLE.
Maintenant, si nous observons un match de foot, nous pouvons voir que nous sommes face à un système complexe ! C’est complexe, car il est impossible de prévoir à l’avance où se trouvera le ballon et/ou les joueurs ne serait-ce que 5 minutes après. Il y a de l’aléatoire… de l’imprévisible… de l’émergence… Nous sommes donc face à un système complexe.
Si nous revenons à la problématique qui nous intéresse, c’est-à-dire celle de l’entreprise… Nous nous apercevons que les processus physiques (industriels) sont compliqués, mais pas complexes.
La production d’un produit peut générer d’innombrables séquences, mais la conception reste linéaire… Il sera toujours possible de démonter un produit pour savoir de quoi il est fait. De la même façon, il sera toujours possible de démonter un outil de production (physiquement, ou avec une value stream map) pour décomposer les problèmes et remonter à leur source…
Et s’il est possible de décomposer de façon linéaire un processus… Alors, il est naturel d’agir sur la cause fondamentale, car le système (comprendre le processus) réagira de manière déterminée.
En revanche, si nous observons des systèmes complexes comme le sont les organisations sociales (et donc les entreprises), alors il faut admettre que l’aléatoire a une prise plus importante sur l’évolution du phénomène… Dans ce cas, il devient illusoire d’espérer dompter l’ensemble des variables en jeu ! La seule option consiste à manager le Chaos en tirant profit des phénomènes d’émergence et de la mobilisation des équipes.
Ainsi, quand vous travaillez sur des problématiques de nature complexe où les hommes et les phénomènes aléatoires prennent le dessus, alors il préférable de formaliser le processus avec un causal loop diagram plutôt qu’une VSM… Et quand il s’agira de trouver une solution, alors pensez à miser sur l’émergence plutôt que de compter sur le renouvellement des erreurs passées.
D’ailleurs, je suis sûr que vous aurez remarqué que bien souvent, sur une problématique de service, le seul fait de lancer un projet d’amélioration et de poser les premiers indicateurs suffit à améliorer de manière très significative la situation ! Et pourtant, à ce niveau, la cause fondamentale n’a pas été trouvée… 😉 Voilà une belle preuve de l’existence des phénomènes d’émergence… 😉
Convaincus ? Je suis curieux d’avoir votre sentiment sur ce sujet ! ;-D