Il y a quelques semaines en arrière j’ai lu un livre qui ne m’a pas laissé indifférent…
Cet ouvrage est « L’art du game design » de Jesse Schell…
Au premier abord, on pourrait penser que ce livre est destiné aux Geeks et pourtant, j’y ai trouvé une quantité d’idées impressionnantes.
Au milieu de ces idées, j’ai découvert le principe du « le canal du flow » que j’aimerais partager avec vous.
Le canal du flow… Quezako ?
Le canal du flow est une zone dans laquelle le joueur est à la fois assez challengé pour garder de l’intérêt pour le jeu, et à la fois pas trop challengé pour qu’il ne soit pas frustré de ne pas parvenir à la fin du niveau.
Ainsi, les game designers développent les jeux de telle façon à entretenir l’intérêt du joueur, ce qui passe par la mise en place de cycle où tour à tour le joueur est challengé pour monter en compétence, puis récompensé par quelque chose qui va lui faciliter le jeu…
Trop de tension et on s’épuise , trop de relâchement et on s’ennuie
Par exemple, un jeu vidéo peut avoir un système d’arme qui permet de détruire des ennemis si l’on tire dessus trois fois. En avançant dans le jeu, les ennemis deviennent plus nombreux, ce qui augmente le challenge. Mais si nous arrivons à abattre suffisamment d’ennemis, nous pouvons être récompensés par une arme permettant de venir à bout d’un ennemi en deux tirs. Le jeu devient alors plus facile, ce qui est une belle récompense ! Mais cette période plus facile ne doit pas durer trop longtemps, c’est la raison pour laquelle, très bientôt de nouveaux ennemis, qui nécessite trois ou quatre tirs feront leur apparition, amenant ainsi le challenge vers de nouveaux sommets.
L’auteur nous dévoile ensuite que ces cycles de « tension et relâchement, tension et relâchement » reviennent systématiquement dans le game design, car c’est inhérent au plaisir humain.
Trop de tension et on s’épuise , trop de relâchement et on s’ennuie. Lorsqu’on navigue entre les deux, on apprécie à la fois l’excitation et la relaxation, et cette oscillation procure également le plaisir de la variété et le plaisir de l’anticipation.
Mais il arrive bien un moment où le manque de compétence empêche l’accession au niveau supérieur… 🙁
Même si le jeu est bien conçu pour entretenir l’intérêt du joueur, il arrive toujours un moment où la plupart des joueurs trouvent leurs limites et n’arrive plus à accéder au niveau suivant…
Cette position est très frustrante, car elle donne l’impression de ne pas être capable de terminer le dernier niveau auquel la personne a pu accéder. En plus, elle y passe souvent de nombreuses heures à essayer sans succès, jusqu’à l’abandon total !
Du canal du Flow au principe de Peter
Si vous connaissez le principe de Peter, je pense que vous voyez où je veux en venir… 😉
Le principe de Peter nous apprend que, naturellement dans les entreprises, tout employé tend à s’élever à son niveau d’incompétence.
Ainsi, chaque promotion est l’occasion d’avoir un regain d’intérêt pour les challenges qui nous attendent… Et une fois que nous sommes sur le poste depuis quelque temps et que nous le maîtrisons parfaitement, alors c’est l’ennui qui reprend le dessus… Heureusement, un nouveau challenge, est censé susciter de nouveau notre intérêt…
Jusqu’au jour où nous avons atteint notre seuil d’incompétence et que nous nous retrouvons à un niveau trop élevé par rapport à nos compétences. Comme dans un jeu, à ce niveau, c’est la frustration qui domine pour petit à petit faire place à l’abandon. 🙁
Ok mais que faut-il en conclure ?
- Premièrement, il est essentiel d’alimenter les collaborateurs en challenge pour consolider leur intérêt pour le travail qu’ils réalisent. Mais contrairement à la démultiplication des niveaux hiérarchiques qui provoque des guerres de pouvoir et alourdisse le processus de décision, il semble plus judicieux d’alimenter les collaborateurs en projets pour challenger leur compétence. L’intérêt du projet c’est qu’il a une fin et qu’il reste modulable, ce qui semble moins évident pour un poste de manager.
- Deuxièmement, il est préférable de promouvoir quelqu’un sur la base de ses compétences potentielles sur le poste à venir plutôt que sur ses compétences sur le poste présent. Une des erreurs les plus fréquentes est d’imaginer qu’un très bon commercial fera un très bon directeur commercial ! Alors que la vente et le management requièrent des compétences très différentes.
- Troisièmement, il faut se donner du temps et savoir gérer les transitions. Bien sûr il est n’est pas évident de revenir sur une décision promotion. Mais si l’entreprise comme le salarié n’y trouvent pas leur compte, il vaut mieux se mettre d’accord sur une période de test qui permette à chacun de se faire une idée. Un entretien après cette phase de test pourra alors permettre à chacun de préciser ce qui va et ce qui ne va pas, ce qui laissera une issue plus prometteuse à tout le monde.
Et vous, avez-vous déjà pu observer le syndrome de Peter en action ? Peut-être même il concernait directement votre supérieur hiérarchique… 😉
florent,
je trouve très intéressant ce parallèle ! Ce que j’aime avant tout, c’est de bien cibler sur le driver humain du défi, du jeu, qui est bien supérieur en terme de motivation à de la pure reconnaissance financière.
Je pose 2 questions pour alimenter la réflexion : quel serait le lien entre ces besoins de défis et la pyramide de Maslow ? Autre point : comment utiliser ce modèle avec la génération Y, qui est souvent décriée et vue comme purement opportuniste, alors que je la vois simplement plus réaliste et en quête de sens supérieur !
L’analyse est très intessante d’un point de vue hunmain et surtout très pertinente si l’on ajoute le commentaire de Erwan.
Je travaille dans l’informatique et je suis « presque » de la generation Y. Ce qui est expliqué ici est frappant de réalisme. Dans un secteur comme le mien, avec des collaborateurs des 2 générations, la connaissance et la compréhension de cela aiderait sans doute mon management intermédiaire…
(sans lui parler du principe de Peter bien sûr ;o)
Excellent cette idée du flow et son impact potentiel au service de manager.
Mais, bien sur pour tout un chacun c’est bien aussi;-)
Je vous propose très bientôt une vision sportive du flow à partir du modèle Actiontype. Et une fiche de lecture de « Vivre » – L’expérience optimale – Csikszentmihalty
Je suis content de voir que cet article rencontre un vif succès ! 😉
Et je suis impatient Gérard de lire tes contributions !
Intéressant de voir la notion de « cycles de tension et relâchement ». CLaude Piron a créé en 1983 une méthode d’apprentissage de l’espéranto basée sur un roman construit sur ce principe :
Chaque leçon introduit quelques % de mots nouveaux et au bout de quelques leçons, un chapitre est subitement plus court et sans aucune nouveauté pour engendrer du relachement.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Gerda_malaperis!
Merci pour ce partage que je trouve très intéressant. Cela me donne très envie de partager beaucoup de chose sur l’excellence opérationnelle et la conduite du changement.
Mohammed MAZOIR
Je viens de prendre connaissance du texte. N’y at-il pas une inversion dans les termes ou ai-je mal compris le fond de l’article?
« Deuxièmement, il est préférable de promouvoir quelqu’un sur la base de ses compétences potentielles sur le poste à venir(présent) plutôt que sur ses compétences sur le poste présent(à venir). Une des erreurs les plus fréquentes est d’imaginer qu’un très bon commercial fera un très bon directeur commercial ! Alors que la vente et le management requièrent des compétences très différentes. »
Non non Claude, il n’y a pas d’inversion… 😉