Anne-Laure Delpech aide les entreprises de Bretagne à révéler leurs potentiels en réduisant les gaspillages et mobilisant les salariés. Elle anime le blog Parcours-Performance, sur le lean et, plus généralement, sur la manière de produire mieux, immédiatement et simplement.
Oui, je me suis déjà trouvée face à un panneau imposant le port de chaussures de sécurité alors que, en chaussures de ville, j’accompagnais un responsable.
Oui, j’ai entendu de nombreux responsables dire : « les gens ne font pas ce qu’on leur dit, il faudrait être sur leur dos en permanence ». Oui, j’ai parlé avec de nombreux opérateurs qui disaient « untel voudrait qu’on fasse autrement, mais ce n’est pas possible tout le temps ». Et oui, j’ai vu des responsables passer devant des situations en opposition totale à leurs instructions et… ne rien dire.
Des instructions sont données, et personne n’en fait rien….
Des consignes inapplicables
• « Je veux que votre atelier soit rangé » ET « Je veux que vous jetiez le moins possible de chutes » ;
• « Je veux que vous alliez ranger ces couvercles dès que vous les soulevez » ET « il n’y a pas d’endroit défini pour les poser mais je veux que vous fassiez vite ».
Si ça vous paraît caricatural, allez donc sur le terrain et observez la réalité ! Ces cas se présentent tous les jours, dans toutes les entreprises….
Une vision en noir et blanc
On considère que les instructions ne sont pas appliquée car les gens « ne sont pas consciencieux » ou « s’en fichent ». pourtant, la plupart du temps, les équipes ne savent même pas que cette consigne a été donnée ou n’ont pas les moyens de la mettre en œuvre.
Si nous regardions les choses avec plus de nuance, on verrait qu’il y a des problèmes à résoudre avant de pouvoir réellement appliquer systématiquement la consigne. Pour résoudre ces problèmes, il faut donner du temps aux personnes concernées
Un exemple réussi
Dans cette menuiserie, le bois représente une part importante des coûts. Le responsable voudrait que les chutes soient systématiquement réutilisées et ne comprends pas que les opérateurs de débit « oublient » régulièrement d’utiliser des chutes.
Mais, des chutes, il y en a partout… Aller chercher tel format en chêne représente facilement une heure de travail. Les postes suivants ont besoin de matière maintenant. Chaque opérateur de débit a donc une grande motivation pour… aller au plus vite. Il sera bien temps d’aller chercher une chute la prochaine fois, lorsqu’on sera moins pressés.
Alors, chaque année, avant l’été, on remplit les bennes de chutes qu’on aurait peut-être pu utiliser…. En 2012, le dirigeant a décidé de prendre le taureau par les cornes. D’ici la fin de l’année, on réutilisera vraiment les chutes…
Eh bien, c’est réussi !
Les deux postes de débit ont créé deux structures de rangement des chutes. Des opérateurs se sont réunis avec le responsable et ont défini des critères CLAIRS de ce qu’est une chute et ce qui est un déchet. Maintenant, à proximité des postes de débit, on trouve des chutes groupées par essence et par dimensions. Chaque opérateur de débit voit d’un coup d’œil si une chute réutilisable est disponible et la sort avant d’aller chercher le complément au stock de matières premières.
Chaque fin de journée, les opérateurs font une vérification rapide des rangements de chutes :
• Oui, les essences sont regroupées dans leurs rangements dédiés ;
• Oui, toutes les chutes ont des cotes correspondantes aux critères ;
• Oui, il reste de la place dans chaque case dédiée à une taille et une essence.
Cette vérification quotidienne, complétée par une vérification hebdomadaire avec le responsable, permet d’identifier immédiatement les non-conformités et les problèmes à venir. C’est ainsi que les critères pour un type de chute ont été modifiés : la case dédiée se remplissait mais ne se vidait pas. Les critères ne sélectionnaient pas assez ce qui est réutilisable dans la semaine.
Les consignes, c’est comme un défi
Lorsque quelqu’un veut imposer de nouvelles instructions, il peut utiliser son autorité et sanctionner le non-respect. Ça peut fonctionner lorsqu’on requiert peu de flexibilité, peu d’adaptation des équipes concernées. Les salariés courbent l’échine et s’exécutent. Evidemment, n’allez pas vous plaindre ensuite qu’ils ne prennent aucune initiative !
A ma connaissance, la meilleure solution pour appliquer de nouvelles consignes, c’est de les considérer comme un nouveau défi pour l’équipe : « et si vous vous imposiez maintenant de ne jamais avoir un seul couvercle posé par terre, comment feriez-vous ? ». Proposez d’en reparler et laissez les individus mettre en place l’organisation qui va leur permettre d’atteindre tout ou partie de votre défi. A vous ensuite de leur proposer de monter la barre plus haut si c’est utile.
Comme quoi le management visuel est bien au cœur du lean management…
le bon sens près de chez vous…