10 – La vitesse
« Patron ! J’ai commandé il y a plus d’une demi-heure et je n’ai toujours pas eu mon entrée ! » Le client était furibond, Patrick ne s’en sortait plus. Depuis quelques semaines, il flirtait allègrement avec les 20 couverts par service. Il en était ravi mais ne pourrait pas tenir très longtemps à ce rythme. Sa maman avait fait son retour en cuisine mais cela ne suffisait pas.
Le temps de service était de plus en plus long et la courbe de satisfaction s’infléchissait : un goulet vitesse était apparu ! « Nous allons donc faire du Lean dans le tuyau logistique », avait tout naturellement lâché Laurent lors du repas dominical, sans mesurer le côté surréaliste de sa phrase : Patrick était rompu à ce jargon mais pas le reste de la tablée !… Il était, par ailleurs, familier du Lean qu’il avait largement pratiqué à l’usine. « Nous allons commencer par analyser ton processus logistique et pour cela, je vais assister à un service. »
Le samedi suivant, Laurent releva méticuleusement les différents temps de service, observa les opérations, consigna les pics d’activité, analysa la synchronisation entre la cuisine (la production) et le service (la logistique). Il ne mit pas longtemps à identifier le problème : tout était préparé au fil de l’eau sans anticipation mais surtout sans priorisation, ce qui avait souvent pour effet d’envoyer le plat chaud d’une tablée avant une autre qui avait commandé plus tôt. Et c’était la trop longue confection des entrées qui entraînait ce glissement. La solution était simple : les entrées seront désormais traitées flux tiré avec une quantité de protection justement dimensionnée et recomplétée au fil des prélèvements.
Les bons de commande seront, quant à eux, accrochés en cuisine dans l’ordre exact de leur arrivée dont on ne dérogera plus. Ces deux mesures eurent très vite les effets escomptés et tout rentra dans l’ordre.
Le tuyau vente redevint le goulet !