Cette émission avec Joël fait partie d’une large série d’émissions dédiées à l’oeuvre de Goldratt…
Il y a deux semaines, Joël nous expliquait le DBR, aujourd’hui il nous parle des thinking processes.
Sans attendre, je vous laisse découvrir cette interview de Joël.. 😉
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Si vous souhaitez en savoir plus sur Joël…
Joël-Henry Grossard est un passionné de la TOC. Il est notamment l’animateur d’un hub très actif sur viadeo. Il alimente également le sujet sur son site theoriedescontraintes.fr
Si vous aussi, vous voulez échanger sur votre spécialité pour partager vos connaissances avec les membres d’EOTV, n’hésitez pas à me contacter ! 😉
Merci à vous deux pour ce morceau de bravoure. J’ajouterais que le Current Reality Tree (comme aussi les autres arbres) a l’avantage, en groupe, de partager une lecture commune. Un peu comme une VSM sur l’analyse des flux. Et cette façon de procéder fait alors tomber bien des crispations …
Merci du retour Christian.
Effectivement, les thinking processes sont un peu « chaud » à appréhender.
D’ailleurs, à l’issue de l’interview nous n’étions pas très sûrs d’être clair. Mais en la visionnant par la suite, je l’ai trouvée relativement accessible.
Il est fort notre Joël pour parler de ces sujets… 😉
Je remarque la question de Florent, minute 36 : « je me suis déjà beaucoup intéressé au sujet, quel est le délai et l’effort d’apprentissage à investir ? »
Je me pose la même question. Si je prends ma propre expérience et celle de mon entourage qui s’y est investi, personne n’a réussi à passer de la lecture des ouvrages à la mise en oeuvre.
Alors que la diffusion des livres atteint plusieurs millions d’exemplaires sur des dizaines d’années, que Goldratt a fait quantité de conférences, qu’il existe des entreprises spécialisées, une fondation, des groupes d’utilisateurs, l’usage de la TOC et des TP restent marginaux dans les entreprises et chez les individus.
Est-ce faussement simple ? Le concept n’est-il pas assez abouti ? Y a-t-il d’autres obstacles que je ne comprends pas ?
En tout cas, il me semble percevoir un décalage entre l’attrait des concepts de Goldratt et leur faible adoption.
Si je compare, par exemple, avec les cartes heuristiques de Tony Buzan, analogues au nuage en termes de rupture intellectuelle, d’âge (1970-80), de méthode et de techniques, je constate une adoption beaucoup plus grande.
Ou encore, si je compare avec les concept de Deming que j’ai appris il y a une trentaine d’années dans mon école de commerce, ce sont maintenant des outils obligatoires, banalisés, utilisés en masse.
Pourquoi pas ceux de Goldratt alors que les bénéfices semblent si élevés ?
Comme le dit joliment Carl Sagan, l’absence d’évidence n’est pas l’évidence de l’absence.
Goldratt est le premier à s’être posé la question de la diffusion et la mise en œuvre des concepts et des outils de la Théorie des Contraintes. C’est une des raisons qui l’ont fait écrire une dizaine de livres et créer des structures et des organisations destinées à les promouvoir.
Un peu d’histoire. A la fin des années, Goldratt (il a trente ans) et trois comparses dont un de ses frères petit génie de l’informatique, développent un logiciel d’ordonnancement révolutionnaire OPT (Optimized Production Technology). Ce logiciel repose sur la confection en mémoire vive – donc sans temps d’accès pénalisant entre le processeur et les mémoires externes, disques ou bandes magnétiques à l’époque – d’un planning de production très performant.
Le principe de ce logiciel repose sur l’optimisation du programme de production à partir de la gestion d’une caractéristique du système, sa contrainte.
Les concepts utilisés seront expliqués par Goldratt dans Le But en 1984 : c’est le D-B-R (Drum-Buffer-Rope).
Le logiciel, vendu très cher, a un succès immédiat.
Les performances sont au rendez-vous : augmentation de la production de plusieurs dizaines de pourcent en quelques semaines, diminution drastique des encours, amélioration spectaculaire du respect des délais…
Or, après quelques mois de croissance continue, la performance inexorablement se dégrade. Le logiciel est le coupable désigné. Ses ventes s’essoufflent.
Goldratt réagit en publiant Le But qui connaît immédiatement un succès extraordinaire et provoque un effet inattendu. Certains lecteurs utilisent le roman pour concevoir et mettre en place des solutions-maison sans recourir à OPT (aucune référence au logiciel dans le roman) et sans faire appel à Jonah (derrière qui se cache E. Goldratt).
Goldratt effectue alors, avec ses collaborateurs de l’Abraham Goldratt Institute qu’il a créé après son éviction d’OPT, un intense travail de réflexion qui l’amène à formaliser ses idées sous le nom de Théorie des Contraintes à la fin des années 80 et à concevoir avec son équipe les Thinking Processes en 1991.
C’est le début de la diffusion du savoir accumulé et formalisé au moyen de séminaires où sont formés, par Goldratt et ses proches, les Jonahs et les Jonah’s Jonahs (capables à leur tour de former des Jonahs).
Plusieurs centaines de personnes seront ainsi formées, principalement aux États-Unis, dans les années 90, pendant que le savoir TOC évolue (notamment en ce qui concerne le marketing, les services, la gestion de projets, etc..). Alors qu’il y avait eu une poignée de livres publiés principalement par Goldratt dans les années 80, d’autres auteurs se manifestent dans la deuxième moitié des années 90.
Le démarrage d’Internet va permettre aux premiers forums sur la TOC d‘exister et à ses concepts d’être diffusés.
C’est probablement à ce moment-là que s’est formée la communauté TOC, d’abord réunie dans une annexe de l’APICS, puis dès 2001 sous l’égide de l’association TOCICO qui, depuis, outre son travail de certification, organise des réunions annuelles dont l’objet est la diffusion du savoir nouvellement acquis depuis la réunion précédente.
Les principaux acquis TOC de la première décennie du 21ème siècle concernent principalement le développement, sous l’impulsion directe d’Eli Goldratt, de la Viable Vision et du concept d’Everflourishing Company, et pour les Thinking Processes, le développement des Strategic & Tactics Tree.
Une première tentative de regrouper le savoir TOC est entreprise en 2010 dans le TOC Handbook (1 200 pages, une quarantaine d’auteurs dont Goldratt pour autant de sujets).
Eli Goldratt meurt en juin 2011 après avoir préparé avec ses proches la 9eme réunion de la communauté TOC à New-York.
Deux remarques à ce stade :
1) la TOC a, si on se réfère son histoire, un peu plus de vingt ans. Elle est donc très jeune. Ses concepts sont en constante évolution. Les idées de Deming (et Juran et d’autres) avaient trente ans quand elles ont été connues et appliquées dans les années 80 et 90, avec un succès limité. Certaines restent à démocratiser. Le TPS (Toyota Production System) et son avatar Lean ont été développés depuis les années 50.
2) la TOC en France est encore beaucoup plus jeune. Lorsque j’ai commencé à m’y intéresser, en 2007, le nombre de références francophones sur la TOC était de l’ordre de la dizaine. Devant ce vide quasi-sidéral, j’ai finalement lancé fin 2008 un groupe de discussion sur Viadéo sur la Théorie des Contraintes qui compte aujourd’hui 400 membres, un site http://www.theoriedescontraintes.fr et grâce à Florent, j’ai pu depuis profiter du succès d’EOTV pour tenter d’évangéliser un certain nombre de curieux du sujet.
Pour revenir aux propos et aux questions que se pose notre commentateur, utiliser correctement les concepts de la TOC et ses outils, les TP, ne sont pas des choses simples si on a l’ambition d’en devenir un spécialiste ou un expert. Il y a un effort d’apprentissage à mener sur plusieurs mois voire plusieurs années qui rebute rapidement le simple curieux.
Par contre utiliser la TOC et les TP en compagnie d’un facilitateur averti est finalement assez simple même pour un débutant. Plus prosaïquement, s’il n’est pas utile d’apprendre à maîtriser le solfège pour écouter de la musique, il vaut cependant mieux le faire si on veut en écrire ou en jouer.
Enfin, mettre en doute l’efficacité de la TOC sous prétexte qu’elle ne serait pas utilisée ne résiste pas à la publication des témoignages des résultats obtenus dans le monde entier par les centaines d’entreprises qui ont adopté tout ou partie de ses concepts.
Une petite précision : j’ai pratiqué comme beaucoup le mind-mapping (les cartes heuristiques). Il n’y a de mon point de vue aucune comparaison entre cette façon agréable d’organiser et de hiérarchiser dans le plan des concepts, des étapes ou des données et ce qui passe sur le plan de la logique dans les arbres et les nuages des TP. Là, sans aucun doute, la simplicité et l’innocuité du mind-mapping sont des atouts majeurs pour une plus grande diffusion, alors que le côté ardu de la maîtrise des TP est objectivement un facteur limitant.
Il reste sans doute un long processus avant que la TOC ne s’impose. Il passe probablement par le TLS qui combine la TOC, le Lean et le Six-Sigma. On donne bien de l’huile de foie de morue aux enfants dans des capsules inodores…