Si il est un outil qui est présenté dans toutes les formations données aux futurs organisateurs/ green belt/ black belt c’est les 5 pourquoi (d’ailleurs même maître Yoda l’évoque : « les 5 pourquoi tu utiliseras et la cause racine du problème tu trouveras »).
L’outil est simple d’usage et son explication l’est tout aussi : face à un problème il suffit de poser 5 fois pourquoi (on peut noter que l’on peut s’arrêter avant quand même, vous avez le droit) pour arriver à la cause racine du problème, le mal absolu, celle qu’il faut éradiquer.
Et toutes les formations présentent des exemples :
Problème il y a de l’eau qui coule d’un tuyau : solution immédiate on met un seau (on pourrait aussi mettre un sot mais ce serait moins efficace). On avait un problème et on a corrigé mais nous ne sommes pas allés au cœur du problème mais grâce au 5 pourquoi…:
– Pourquoi le tuyau fuit?
– La pièce est vieille
– Pourquoi conserve-t-on des vieilles pièces?
– Car on n’a pas vérifié les différents éléments
– etc. jusqu’à ce que l’on arrive à « il faut revoir le système de réapprovisionnement des pièces de rechange et définir le processus de vérification des différents éléments… »
Un autre exemple souvent donné en formation est sur les centres d’appels : problème on perd des appels
– Pourquoi perd-on des appels?
– car on n’a pas assez de monde pour décrocher
– Pourquoi n’avons-nous pas assez de monde?
– Car on n’a pas de visibilité sur les volumes
– etcetcetc jusqu’à ce que l’on arrive à « il faut revoir les modalités d’analyse des flux téléphoniques et définir revoir les plannings prévisionnels… »
On peut donc vraiment se dire que c’est l’outil miracle qui permet de résoudre tous les problèmes et on peut se demander pourquoi on ne l’utilise pas systématiquement ?
Mais hélas ce n’est pas si simple car les 5 pourquoi peuvent générer des pièges si on n’y fait pas attention, et ce sont des exemples que je donne en formation. Reprenons l’exemple du centre d’appel :
– Pourquoi perd-on des appels?
– Car tous les clients appellent en même temps
– Pourquoi appellent-ils tous en même temps?
– on a constaté qu’ils appelaient tous en même temps entre 10h et 10h30
– Pourquoi est-ce qu’ils appellent entre 10h et 10h30?
– Ils doivent prendre leur pause et ils profitent de ce moment pour nous appeler….
Bonne chance pour trouver une solution à cette cause, sauf à s’appeler la sncf qui avait proposé en 2013 de faire commencer les employés de la défense plus tard afin de désencombrer les trains. Avec ce questionnement on touche une cause externe, dès le second pourquoi on n’aurait pas dû aller plus loin et remonter d’un niveau dans le questionnement pour adresser des causes internes : celles sur lesquelles nous allons pouvoir agir.
Autre point sur lequel il faut être vigilant c’est le pourquoi « agressif », il ne faut pas oublier que dans nos métiers on adresse les façons de faire de nos collaborateurs et ils peuvent vite prendre ce « pourquoi » qui cherche à trouver la cause profonde, en un « pourquoi » qui est un jugement de la façon de faire du collaborateur. Et dans ce cas, bonne chance pour faire émerger des idées de causes et de solutions car le collaborateur sera dans une position de défense.
Maître Yoda aurait donc tort? Non, car cet outil est très efficace dans l’analyse des causes, il faut cependant avoir une gymnastique intellectuelle en tant que facilitateur d’atelier qui fait que l’on doit :
– Etre vigilant à tout ce qui est dit pour conserver les causes et pouvoir jongler entre les différents niveaux de causes pour être certains de n’adresser que des causes internes
– Alterner des questions en pourquoi avec des questions moins « accusatrices » en utilisant l’autre fameux outil le QQCOQCP
– Identifier dans le comportement du collaborateur s’il passe en mode défensif pour pouvoir creuser le problème et rassurer sur le fait que l’on ne cherche pas un coupable mais que l’on cherche une solution pérenne.
;.; Article proposé par Aurélien MASEREEL, Responsable du programme efficacité opérationnelle pour Pacifica (filiale assurance IARD du groupe crédit agricole), 10 ans d’expérience dans le Lean et le 6sigma (certifié Black Belt), exclusivement dans les assurances (AXA, Cardif et Pacifica). Vous pouvez également le contacter via son profil Linkedin.;.;
Les 5 pourquoi sont une application directe du raisonnement cartésien, où la recherche de la cause est érigée comme 1 des 4 points-clés pour « bien mener sa raison ».
Mais ce raisonnement est incapable d’intégrer les finalités ! Et pour cause (sic), Descartes ayant volontairement séparé le raisonnement de ce qui avait failli mener Gallée au bûcher à la même époque …
D’où l’extrême difficulté de piloter les entreprises -pleines d’humains- par un raisonnement cartésien : l’organisation, scientifique du travial a montré ses limites !
Un autre paradigme permet de réintégrer les finalités, le sens : le raisonnement système propose la téléologie à la place de la causalité. La question clé en est « pour quoi ? » ou « à quoi ça sert ? » (et non « pourquoi » > parce que…)
Sa théorisation par Jean-Louis Le Moigne dans « Théorie du système général » permet de modéliser objets, process, entreprises, etc. en mettant en évidence les flux et transformations participant aux finalités, raison d’être, objectifs …
Les méthodes Valeur(s) sont basées sur ce concept. Dommage que le Lean ne pose pas -au lieu de « pourquoi » la question « pour quoi ? ».
Le ebook « à quoi ça sert ? » en cours de finition présente tous ces éléments en détail.
Intéressé ? odehemmer@valeursetmanagement.com
La méthode des 5 pourquoi n’est qu’une étape dans le processus d’amélioration d’une situation.
Elle permet effectivement de trouver l’origine d’un écart. L’écart étant un effet, on essaie de supprimer la cause pour supprimer l’effet non conforme à ce qui aurait dû ou aurait pu être. Ce n’est que la première étape dans l’amélioration de ce qui est. La seconde est le choix des actions à mener. C’est à ce moment que doivent intervenir les questions relatives à la finalité pour passer du +ce qui aurait dû être+ (la norme) à +ce qui aurait pu être+ (l’idéal).
Transformer le « Pourquoi? » en « Pour qui? », « Pour quand? » permet à mon avis de passer rapidement au « Pour quoi? » beaucoup plus audible, lisible, sensible pour les producteurs de valeur ajoutée sans les remettre en permanence en cause et même les valoriser.
Bien à vous
Fabrice
Depuis ce commentaire de mars dernier, j’ai édité un ebook « A quOi ça sert ? une approche système pour la création de valeurS » (disponible sur amazon et itunes pour 1E99) qui explore l’extraordinaire puissance de cette question qui mène bien sûr aux finalités.
Des outils sont présentés pour aider à y répondre, avec les parties prenantes concernées : l’expérience montre que ce n’est pas simple !
Et présente des applications dans tous les domaines de performance de l’entreprise (entre autres les processus industriels et tertiaires), et au-delà.
Un des principaux intérêt de cette approche est, au lieu de remonter à la cause passée et à l’inévitable « fautif », la mise en évidence des finalités partagées et de l’interdépendance des acteurs pour les atteindre, met les parties prenantes dans un mouvement coopératif : viser un futur souhaitable est plus motivant que corriger des erreurs passées (si c’est même possible !?)
Je lirai avec intérêt vos commentaires à cet ouvrage 🙂