Un message brouillé.
Lean, Six Sigma, Lean Six Sigma, Théorie de contraintes, autant de terminologies pour désigner les différentes méthodes dont nous bénéficions aujourd’hui pour optimiser nos processus.
Autant le dire tout de suite, il n’est pas simple de s’y retrouver pour quelqu’un qui démarre son cheminement dans l’apprentissage de l’excellence opérationnelle ! Et c’est d’autant plus compliqué que les praticiens ont souvent du mal à concéder un peu de terrain à leurs collègues des autres paroisses. Aussi aberrant que cela puisse paraître, il existe encore des guerres fratricides entre les adeptes des différentes méthodologies. Même si les tensions semblent s’être apaisées entre Eliyahu M. Goldratt, (père fondateur de la TOC) et Taiichi Ohno (père fondateur du Lean), le livre à paraître « Velocity » revient à la charge en préconisant une subordination du Lean à la TOC prétextant que le Lean ne se focalise pas nécessairement au bon endroit. Par ailleurs, combien de disciples du Lean ne souhaitent pas entendre parler du 6 sigma prétextant que la méthode n’est pas à la hauteur du Lean et qu’il est donc absurde de les mettre au même niveau dans une méthode intégrée comme le « Lean Six Sigma ».
Il me semble que ces conflits, au-delà de n’intéresser que les experts, viennent polluer le message essentiel de la nécessité pour nos entreprises d’enclencher une démarche d’excellence opérationnelle.
Je vous propose donc de prendre un peu de recul pour comprendre comment chaque méthode contribue à l’optimisation des processus.
Retour aux fondamentaux.
Pour commencer, rappelons ce qu’est un processus. Selon l’ISO 9001, un processus est un ensemble d’activités corrélées ou interactives qui transforment les éléments d’entrée en éléments de sortie.
Les processus représentent donc l’ensemble des tâches qui sont mises en œuvre dans l’entreprise pour assurer son activité et fournir aux clients les produits et les services qui lui sont vendus. Nous comprenons donc aisément que pour améliorer les performances de l’entreprise, cela passe nécessairement par l’optimisation des ces processus.
Pour illustrer quels sont les leviers d’optimisation de ces processus, prenons l’exemple d’une ligne de production. Imaginons que ce processus soit un tuyau dans lequel nous faisons rentrer de la matière première, de la main-d’œuvre, de l’énergie, etc. pour en extraire un produit fini.
Comment les outils agissent-ils sur le tuyau ?
Restons sur l’analogie du tuyau pour expliquer quel est l’apport de chacune des méthodologies évoquées en introduction.
Le Lean…
Pour commencer, le Lean va venir réduire la longueur du tuyau en réduisant le temps de cycle du produit. La réduction de ce temps de cycle, appelé le lead time, passe par la réduction de tous les gaspillages, y compris les temps de non-valeurs ajoutées, c’est-à-dire le temps passé à réaliser des tâches qui n’apportent pas de valeur pour le client. Ainsi, en réduisant la taille du tuyau pour ne conserver que les tâches à valeur ajoutée, le Lean améliore la réactivité et la flexibilité du processus.
La TOC…
La théorie des contraintes va, quant à elle, se focaliser sur le diamètre du tuyau pour améliorer son débit. La méthode repose sur 5 étapes :
- Identification de la contrainte (le poste de prod. « goulet » qui limite la capacité de l’ensemble de la ligne de production),
- Exploitation de la contrainte, c’est-à-dire l’optimisation de celle-ci (par la réduction des temps de changement de série par exemple),
- Subordination des autres ressources à la ressource contrainte qui consiste à piloter l’ensemble de la chaine de production sur la base du flux traité par la ressource contrainte,
- Élévation de la contrainte pour accroitre la capacité de production de l’ensemble de la ligne,
- Retour à la première étape pour identifier la nouvelle contrainte du système de production.
Le 6 Sigma…
Enfin le 6 sigma agit sur deux éléments. D’une part, il réduit la porosité du tuyau en supprimant les rebuts en cours de production. D’autre part, il ajuste la direction du tuyau en fonction du besoin client tout en réduisant le nombre de non-conformités vis-à-vis des spécificités techniques requises. Si nous reprenons l’analogie du tuyau, la démarque qualité du 6 sigma vient, d’une part, stopper les fuites sur le tuyau, et d’autre part, ajuster le jet en fonction du positionnement du tuyau du client (l’expression de ses besoins). Pour réduire les non-qualités, le 6 sigma va se focaliser sur la variabilité des résultats du processus. La méthode repose sur la recherche des causes profondes issues d’analyses statistiques plus ou moins poussées en fonction des problématiques rencontrées.
L’amélioration continue…
La mise en œuvre de ces trois méthodologies fait partie plus globalement de ce qu’on appelle l’amélioration continue, qui est souvent représentée de cette façon en intégrant la roue de Deming (PDCA, Plan/Prévoir, Do/Faire, Check/Vérifier, Act/Agir) utilisée dans les projets Lean.
Comme nous pouvons le voir sur cette représentation, l’amélioration continue est un processus d’amélioration de la qualité qui s’inscrit dans la durée par des innovations incrémentales.
L’amélioration ciblée en mode projet…
Pour accompagner ces petites améliorations du quotidien, les entreprises peuvent également lancer des améliorations plus profondes et plus ciblées par le biais de projets Lean Six Sigma. Le LSS utilise la méthode en 5 étapes du DMAIC (Définir, Mesurer, Analyser, Innover et Contrôler) pour optimiser les processus. Le DMAIC consacre une part plus importante à la recherche des causes initiales et à l’élaboration de solutions optimales. A contrario, le PDCA fonctionne davantage en mode action/réaction. Pour synthétiser, l’amélioration continue optimise les processus par des innovations incrémentales répétées quand le DMAIC du LSS implémente des innovations de rupture en « one shot ».
L’idéal étant de jumeler les deux approches pour accélérer le mouvement :
En guise de conclusion…
Dans la réalité, les différentes méthodologies et leur utilisation ne sont pas aussi segmentées que pourrait le laisser supposer cet article. Il peut arriver que des innovations de rupture soient mises en œuvre dans le cadre de projet PDCA. Il peut également arriver que des projets LSS ne débouchent que sur de simples innovations incrémentales. Par ailleurs, le Lean s’attache également à la réduction de la variabilité et des rebuts qui forment des gaspillages. Enfin nous pourrions très bien imaginer que des projets 6 sigma permettent de réduire le temps de cycle du produit.
Pour autant, il me semble important de rappeler dans les grandes lignes les principales orientations de chaque méthode. Et à bien y regarder, quand l’une d’elles est critiquée au profit d’une autre, c’est bien souvent la mauvaise utilisation de l’outil qui est à remettre en cause plutôt que la méthode en elle-même. Aussi, quelque soit notre paroisse d’origine, il est toujours bon de pouvoir enrichir notre boîte à outils.
Source : Analogie très riche du tuyau issue des travaux de José Gramdi de l’université de technologie de Troyes
Je suis en train de rattraper le retard de lecture sur les premiers articles de l’histoire d’EOTV et cet article révèle un excellent esprit de synthèse ! En plus c’est hyper visuel, j’adore la métaphore 🙂
Merci David ! 😉
Bon Article,
puis-je avoir une documentation sur six sigma et sur l’ Amélioration continue ,
Bien Cordialement
Bonjour,
Je ne vois pas apparaître la donnée humaine dans votre description des méthodologies. Je suis rentré dans une démarche Lean qui par essence, place les collaborateurs au coeur de la démarche d’amélioration continue : c’est au niveau ou le problème apparaît qu’il est le plus succeptible d’être traité au bon moment par les bonnes personnes. Qu’en est il des autres méthodes ?
Merci.
Bonjour Crib,
Pour moi le facteur humain est un prérequis pour toute forme d’amélioration… Ceux qui utilisent ces outils dans l’idée de licencier n’iront pas très loin dans l’amélioration de leur processus… 🙂
Au plaisir.
Florent.