Une et une seule contrainte pour tout le système « entreprise »
Selon GOLDRATT et sa théorie des contraintes, une entreprise n’a qu’une seule contrainte. Celle-ci peut se situer en amont sur la chaîne d’approvisionnement. Elle peut également se trouver dans le marché (C’est notamment le cas des entreprises qui sont en sous régimes). Enfin, elle peut se situer à l’intérieur de l’entreprise, auquel cas, c’est elle qui conditionne la production de l’ensemble du système.
Pour illustrer ce principe, Philip MARRIS dans son ouvrage « Management Par les Contraintes » utilise l’analogie des réservoirs d’eau.
Ainsi, une ligne de production est comme un enchevêtrement du tuyau dont le débit serait directement proportionnel au diamètre du tuyau le plus petit, c’est-à-dire la ressource contrainte (Le poste C, sur la figure ci-contre, dont le rendement n’est que de 20 pièces par heure).
Avec une contrainte, les choses sont plus simples…
Vu comme cela, effectivement les choses sont simples. Il y a une ressource contrainte. Il faut l’identifier puis dérouler la méthodologie de la TOC (Théorie des contraintes) pour l’élever et ainsi augmenter le débit d’argent généré par l’entreprise.
Mais si nous sortons de ce seul contexte d’un processus de production et que nous envisageons la contrainte selon son sens premier, nous nous apercevons que beaucoup d’éléments opérant dans l’activité de l’entreprise peuvent jouer ce rôle de facteur limitant.
Mais au delà du flux de production… Existe-t-il d’autres contraintes ?
Tout d’abord, en parallèle de ce processus de production il y a un processus budgétaire qui va conditionner non seulement la taille de l’outil de l’outil de production, mais également les investissements en innovation.
Sur le causal loop diagram présenté ci-dessous, nous pouvons voir qu’il y a une première boucle de renforcement qui fait que + nous vendons, + nous investissons. + Nous investissons, + nous innovons et augmentons notre capacité de production. Et + nous innovons et augmentons notre capacité de production, + nous vendons. Cette boucle de renforcement accélère la croissance de l’entreprise jusqu’à ce que celle-ci se structure et mette en place un processus budgétaire pour réguler ses dépenses et investissements, si bien qu’au bout d’un moment, c’est le niveau de budget qui va réguler la croissance de l’activité. Ici, c’est donc le budget le facteur limitant du système.
Parfois ce facteur limitant que nous appelons la contrainte peut être un manager qui bloque toutes les décisions et fait de la rétention d’information avec ses collègues. Dans le même ordre d’idée, nous pourrions imaginer un directeur qui ne décide pas de s’attaquer à un nouveau marché quand une occasion se présente…
Arrêtons 2 secondes d’élever la contrainte pour nous élevé nous même… 😉
Si nous nous élevons d’un niveau, la contrainte d’une activité ne peut-elle pas être dans son business modèle ? Par exemple, un cabinet de conseil est limité par le temps disponible de ses consultants. Alors qu’en utilisant les mêmes compétences pour écrire des ouvrages, un best-seller pourrait dépasser toutes les perspectives de rentabilités.
Prenons davantage de recul encore… Et si la contrainte n’était pas dans la nature matérielle des produits vendus. En effet, vendre de l’immatériel c’est se couper de la nature contraignante de la gestion physique des produits (coûts logistique, coûts de détention des stocks…). Ainsi, quand une entreprise comme Amazon met en avant son offre dématérialisée Kindle, ne s’attaque-t-elle pas à une contrainte ?
Merci Edgar… J’ai retrouvé mes lunettes !
Bref, vous l’aurez compris, les contraintes sont multiples. Mais si nous n’avons pas cette vision systémique, elle seule à même de nous restituer de l’intelligibilité dans ce monde de l’entreprise de plus en plus complexe, alors nous n’avons qu’à nous contenter d’avancer en aveugles.
Et vous, qu’elles sont les contraintes que vous avez eu l’occasion de rencontrer dans le monde de l’entreprise ?
Pan sur le bec !
Si on s’en tient à ce que tu affirmes – bien présomptueusement – Florent, Goldratt, le génial inventeur de la Théorie des Contraintes, n’envisageait la contrainte que dans son sens physique (bottleneck) ou, au plus, à son élargissement à la demande (le marché) ou aux contraintes d’approvisionnement.
C’est une contre-vérité.
Goldratt affirme au contraire que, dans la plupart des cas, les contraintes de capacité n’existent pas et que ce qui limite la performance d’une usine ou d’une société de services ou d’un hôpital, et plus généralement d’une organisation, ce sont les règles, les politiques ou les paradigmes hérités du passé.
Depuis la fin des années 90, les praticiens de la TOC connaissent les 3 M (mindset constraints, measures constraints, methods constraints).
Mindset, c’est la façon dont nous nous représentons la réalité. Cette représentation est une contrainte si la façon de penser ou la culture de l’organisation bloque la conception et la mise en œuvre des mesures et des méthodes appropriées pour atteindre le but de l’organisation.
Les Mesures sont une contrainte si elles entraînent des comportements qui sont incohérents avec l’atteinte du but de l’organisation ou si elles dissuadent d’adopter les comportements nécessaires pour atteindre ce but.
Les Méthodes sont une contrainte si les procédures et les techniques utilisées aboutissent à des actions ou des effets qui sont incompatibles avec le but de l’organisation.
Enfin, et cela a le déjà été l’occasion de débats entre nous, l’approche systémique dont tu te réclames et l’approche holistique (le système vu dans son ensemble comme un tout) que préconise Goldratt dans la Théorie des Contraintes sont effectivement des « mindsets » qui éclairent notre perception de la réalité.
Et ce n’est pas parce que la diffusion des idées de la Théorie des Contraintes se heurte en France à des pesanteurs sociologiques héritées du passé, qu’il faut à tout prix privilégier la vision intellectuelle et plutôt élitiste de la systémique. Nous avons grandement besoin que les idées simples et très proches du terrain inventées par Goldratt, la contrainte, et les méthodes et mesures qui lui sont associés, soient comprises et que les outils logiques qui sont le cœur de la Théorie des Contraintes, les Thinking Processes soient largement diffusés et utilisés.
Bien amicalement.
Deux petites rectifications : il faut lire à la fin des années 80 (au lieu de 90) pour situer les 3 M dans le temps. Et mon adresse e-mail dédiée à la TOC est : toc.jhgrossard@gmail.com
Merci Joël pour ton enthousiasme indéfectible ! 😉
Je te crois volontiers et accepte la plupart de tes correctifs.
Peut-être m’accorderas-tu que dans la grande majorité de la littérature dédiée à la TOC, les contraintes ne concernent que les flux physiques (voire les flux d’information) ?
Je n’ai jamais lu la contrainte de mindset que tu évoques, sauf peut-être s’il s’agit de la réticence au changement (mais là, nous ne parlons plus de la même chose à mon sens).
En revanche, je ne vois pas en quoi la mesure est une contrainte… J’imagine qu’il fallait la caser quelque part… ;-D Je plaisante bien sûr.
A bientôt.
Florent.
PS : Compte sur mon investissement personnel pour que dans les années à venir, l’approche systémique ne soit plus amalgamée avec l’image élitiste que tu lui accordes aujourd’hui… 😉
J’ai rencontré une contrainte stupide dans de la prestations de service. Parce qu’on économisait sur tout, les opérateurs perdaient du temps à chaque fuite pour couper, raccourcir et rémonter les tuyaux de pompiers qu’ils utilisaient. Nous avons simplement jetés tous les tuyaux pour en acheter des neufs car ce n’est pas très cher.