Le commun des mortels (moi le premier avant de découvrir le LSS) a tendance à confondre efficacité et efficience (en anglais effectiveness et efficiency). Or ces deux notions se recouvrent certes mais ne désignent pas la même chose.
Etre efficace c’est remplir le contrat, c’est satisfaire le Client, c’est traiter tous les points à l’ordre du jour de la réunion, c’est réussir son concours, c’est ramener plein de poissons dans le fond de son bateau…
Mais cela ne me dit rien sur les ressources utilisées pour obtenir ce résultat c.à.d. sur l’efficience. J’ai pu pêcher à la dynamite, j’ai pu préparer mes concours comme un gros bœuf, j’ai pu mobiliser mon équipe une demi-journée pour la réunion de service, j’ai pu embaucher des intérimaires pour satisfaire mon Client…bref j’ai pu être efficace sans forcement être efficient. L’efficience c’est l’efficacité au moindre coût.
Beaucoup plus qu’une simple différence sémantique
Le Client ne verra que l’efficacité. L’efficience du processus pour obtenir le résultat attendu n’est absolument pas son problème. Par contre l’efficience du processus est le problème de l’entreprise par excellence!
L’efficience a un impact direct sur les coûts de production (coût des ressources pour faire tourner mon processus) et donc sur la marge. C’est donc beaucoup plus qu’une simple différence sémantique. C’est une question de profitabilité de l’entreprise.
Équilibre entre efficience et efficacité
L’équilibre entre les attendus du Client (efficacité) et les coûts de production (efficience) n’est pas évident à trouver et parfois les deux points de vue peuvent se révéler antagonistes. S’il ne tenait qu’au Client, l’idéal serait un produit de très bonne qualité à un prix dérisoire. Il y a donc de la part de l’entreprise un savant dosage à effectuer, un fin positionnement du curseur entre efficacité et efficience, ne pas faire de la sur qualité par exemple qui ne serait pas remarquée du Client, corriger juste le bon nombre de bugs pour être compliant avec les attendus contractuels…
Lean et Six Sigma
Dans une toute première approche on pourrait dire que le Six Sigma s’intéresse plutôt à l’efficacité (le moins de défauts possibles visibles du Client) et le Lean à l’efficience (traquer toutes les gaspis internes). Mais comme le Lean cherche à diminuer le Lead Time auquel le Client est fortement sensible, on peut aussi dire que le Lean travaille sur l’efficacité. Et je peux vouloir améliorer à tout prix mon Lead Time en acceptant de dégrader l’efficience.
De même l’efficience est au cœur de nombreux outils du Six Sigma (comment optimiser par exemple la collecte de données dans la phase Mesurer : ni trop ni pas assez de données, comment optimiser un modèle explicatif dans la phase Analyser : ni trop ni pas assez de variables explicatives).
Bref le LSS s’attaque aussi bien à l’efficience qu’à l’efficacité !
Et vous dans votre entreprise ?
Pour chacune de vos problématiques se rattachant à la performance de vos processus, amusez-vous à vous poser la question suivante: ai-je affaire à un problème d’efficacité ou d’efficience insuffisante ? Ou les deux mon Général ?
Je ne partage pas votre avis :
L’efficience est une mesure synthétique des résultats obtenus (potentiels ou réels), au regard des moyens mis en œuvre (coûts, ressources, temps). Il s’agit donc là d’un concept proche du rendement des investissements économiques.
L’efficience ajoute à l’efficacité une notion de bonne organisation et d’économie. Améliorer l’efficience ne préjuge pas de l’amélioration de l’efficacité. Cela revient à diminuer le coût à résultat égal. C’est la capacité à produire au moindre coût.
L’efficience n’implique pas l’efficacité. Un programme peut être plus efficient qu’un autre, mais moins efficace.
Pour faible simple : l’efficacité rapporte les résultats aux objectifs ; l’efficience les moyens aux résultats.
Bonjour Agnodice,
Je partage votre avis. De mon point de vu également les deux notions efficacité sont complémentaires et n’intègre pas d’overlap. Toutefois, à plusieurs reprises, dans la littérature, dans mon parcours scolaire, ou durant mes échanges avec des praticiens de l’excellence opérationnelle, j’ai retrouvé cette idée que l’efficience partait du postulat d’un objectif atteint.
Je n’ai pas d’avis dogmatique sur la question… Je pense que le plus important reste dans cette idée que l’on peut être productif au moindre coût (comprendre « en consommant le moins de ressources possible »)…Alors si en plus cette efficience est mise au service de l’atteinte des objectifs, alors tant mieux ! 😉
Au plaisir de vous lire.
Florent.
Bonjour,
Nous sommes d’accord que l’atteinte d’un objectif nous permet de conclure à l’efficacité. Si en plus on atteint cet objectif avec le minimum de ressource, nous pouvons dire que nous avons été efficient.
Dans le cas de l’efficacité, c’est binaire : objectif atteint – efficacité.
Dans le cas de l’efficience, encore faut-il définir le minimum de ressources. Si vous prévoyez 15 journées-hommes pour le projet et que finalement vous avez atteint l’objectif du projet en 10 journées-hommes, nous pouvons affirmer que nous avons été efficients.
Je pense qu’il ne faut jamais perdre la finalité de la chose. L’objectif est la seule chose à atteindre sauf qu’il ne faut pas le faire à n’importe quel prix (ressources consommées).
Cordialement.
Pascal Weber
Bonjour Agnodice,
J’ai bien lu ton commentaire et je ne vois pas en quoi il y a contradiction entre nous.
Cdt
François Momal
Le dogme ne nous permet pas de dire que l’efficience c’est l’efficacité au moindre coût comme je l’explique dans mon billet. Mais je vous le concède, si l’on veut rester pragmatique comme le disent Pascal et Florent, on peut néanmoins l’admettre.
J’utilise souvent, dans certaines présentations, un triangle sur lequel figurent aux trois angles, les mots moyens – résultats – objectifs et je relie objectifs à résultats par l’efficacité, objectifs à moyens par cohérence et moyens à résultats par efficience.
La performance ainsi se compose d’objectifs, de moyens et de résultats. C’est la capacité à obtenir de meilleurs résultats avec ses moyens pour atteindre ses objectifs.
Pour la direction générale de la modernisation de l’Etat, la performance est la capacité à atteindre des objectifs préalablement fixés, exprimés en termes d’efficacité socio-économique, de qualité de service ou d’efficience de la gestion.
Quand on parle de performance, on a souvent tendance à penser uniquement à la rentabilité financière et à la productivité et pendant longtemps, les entreprises se sont satisfaites de cette approche. Les choses ont commencé à changer, quand le contexte est devenu instable, que la concurrence s’est faite plus forte et avec la prise de conscience que d’autres éléments que les coûts participent de la compétitivité d’une entreprise, comme les délais de fabrication ou de livraison, la satisfaction des besoins et les envies des clients…
Bien à tous
Bonjour Agnodice,
Vous évoquez la question de la performance.
Quand vous demandez à un dirigeant de vous parler des indicateurs de pilotage, il commence toujours par des indicateurs de performance économique : CA, résultat, CA/personne, rentabilité, … Et c’est tout à fait normal. Il faut des ressources (moyens financiers) pour développer une entreprise.
Dans le cadre des audits ISO 9001, il faut amener le débat vers la performance qualitative de l’entreprise au service des clients : taux de service, niveau de satisfaction des prestations, fiabilité des produits, coûts d’obtention de la qualité. Et là, quand le dirigeant se tourne vers son Responsable Qualité, on se dit qu’il a encore un peu de travail à faire avec le dirigeant. Il passe à côté de quelque chose.
Que l’on évoque qualité, environnement, sécurité des personnes, sécurité de l’information , … l’ensemble de ces systèmes de management ne sont pas cloisonnés. L’entreprise s’est organisée pour satisfaire ses clients, préserver l’environnement, protéger ses collaborateurs, préserver ses actifs d’information, faire du bénéfice.
»
On ne peut donc pas dissocier les indicateurs de « performance économique des indicateurs de « performance qualitative ». Dans ce dernier terme, j’y regroupe les indicateurs qualité, sécurité, environnement, …
Un dirigeant d’entreprise devrait disposer de son tableau de bord de pilotage « format A4 » sur lequel il retrouve des indicateurs économiques, comme des indicateurs qualitatifs. Je réduit volontairement le tableau de bord à un format A4, car il ne s’agit de choisir les indicateurs pertinents pour une direction générale.
Avez-vous un blog? En recherchant, avec Google, j’ai trouvé, en première réponse, la biographie d’Agnodice, une des premières femmes médecin gynécologue de la Grèce ancienne. Cela ne pas être vous, a priori!
Cordialement.
Pascal Weber
Bonjour à tous
Je connais des dirigeants dont les impératifs économiques ne sont pas au premier plan pour la bonne raison qu’ils appartiennent au domaine public même si une vertueuse démarche de performance économique est en mouvement au sein de notre pays.
Je connais également des dirigeants qui, dans une démarche stratégique inspirée des balanced scorecard du type de celles de Kaplan et Norton, n’ont pas oublié qu’il y avait bien plus que la valeur financière pour tout diriger, même si cela est plus difficile dans les espaces temporels mouvementés que nous vivons actuellement en matière économique. Consacrer aujourd’hui des ressources financières à d’autres ressources comme humaines par exemple est le signe d’une grande audace mais également d’une belle lucidité et d’une admirable vertu.
Pour répondre plus particulièrement à Pascal :
Oui, j’ai un blog mais à usage interne (et ce n’est pas une logomachie).
Pour ce qui concerne le pseudonyme d’Agnodice : Dans l’antiquité, le don de guérir était l’apanage des dieux et des déesses, et s’exerçait essentiellement dans les lieux sacrés, où l’accouchement était l’exclusivité des femmes. De sacerdotale, la médecine deviendra peu à peu laïque à l’époque de Pythagore (VI° siècle avant J.C.). Seul donc persistait le caractère respectable de la médecine, en raison du dévouement qu’elle exigeait.
A l’époque d’Hippocrate (460-377 avant J.C.), deux catégories de femmes délivraient des soins médicaux : celles faisant office de sage-femme et celles qui pouvaient traiter toutes les maladies, orientées cependant vers le domaine gynéco-obstétrical. Au 1° siècle avant J.C., les médecins Grecs voulurent s’attribuer la pratique exclusive de la médecine, et obtinrent que les femmes se voient interdire son exercice ainsi que la pratique des accouchements. C’est ainsi qu’AGNODICE se déguisa en homme pour exercer son art.
J’ai donc bien vieilli mais continue à travailler dans l’ombre.
Bien à tous