Dans tous les ouvrages que je lis, l’angle d’attaque de la notion de gaspillage est toujours la même : Le Gaspillage C’EST PAS BIEN !
De la même façon, on nous explique que le 5S, C’EST TOUJOURS SOURCE D’AMÉLIORATION !
Ainsi, de la même façon que nous préférons l’ordre au désordre, il parait relever du bon sens de plébisciter la frugalité aux dépens du gaspillage… Du bon sens… vraiment ?
L’objectif de cet article est de vous faire toucher du doigt l’inhérente complexité qui se cache derrière des principes aussi simples.
Voici, pour rappel, la liste des 7 gaspillages du Lean :
- Production excessive : Produire trop, ou trop tôt, excédant les besoins immédiats
- Stocks : plus que le minimum nécessaire pour réaliser le travail ou satisfaire les besoins des clients
- Traitements inutiles : Mise en oeuvre de plus d’activités ou d’énergie que nécessaire pour la production d’un produit ou apport d’une valeur ajoutée supérieure à ce que les clients vont payer
- Attentes : Tout délai entre la fi n d’une activité et le début de l’activité suivante.
- Transports ou manutention inutiles : Mouvements inutiles : de produits, matériel ou infos.
- Défectueux: Toute production nécessitant une remise en état ou mise au rebut.
- Mouvement inutile : Tout mouvement ou déplacement qui ne contribue pas directement à l’ajout de valeur.
Pour réaliser cette démonstration, je vous propose de prendre l’exemple de la 3ème source de gaspillage : Les traitements inutiles ou ce que nous pourrions appeler la surqualité, c’est à dire : La mise en oeuvre de plus d’activités ou d’énergie que nécessaire pour la production d’un produit.
Sur la base de ce principe, toute redondance serait source de gaspillage, puisque, qui dit redondance, dit nécessairement doublon. Et si nous parlons de doublons, nous ne sommes plus dans le strict nécessaire.
Pourquoi la redondance est indispensable…
Pourtant, la redondance est nécessaire pour assurer la robustesse d’un système. Sans redondance, nous prenons le risque d’un dysfonctionnement total le jour où un composant est défectueux. Imaginez un produit comme la voiture qui n’aurait aucune redondance. Imaginez que nous arrivions à trouver une roue qui permette à elle seule de porter un véhicule. Elle serait munie d’un seul frein. Imaginez un système d’éclairage avec une seule source de lumière…etc. Bref là où il y a redondance, imaginez que vous limitiez au strict minimum : un seul composant. Au moindre défaut d’un seul de ses composants, le véhicule serait hors d’usage.
Alors, vous me direz que j’exagère ou que dans les cas que je propose, le gaspillage peut être perçu comme source de valeur. Je suis d’accord, la question qui subsiste reste de savoir où nous mettons le curseur entre le niveau de redondance et le niveau de valeur ajoutée apporté par le client.
L’exemple de la voiture « sapin de Noël »…
La connectique des éclairages telle qu’elle est configurée aujourd’hui sur les véhicules entraine des dysfonctionnements qui par la suite démultiplient les sources de gaspillage. Par exemple, quand une ampoule est cassée, sa soeur jumelle risque de ne pas tarder à suivre le même chemin. Autre exemple, n’avez-vous jamais roulé derrière une voiture qui se transformait en sapin de Noël à chaque fois que son utilisateur freinait ? 😉
De la redondance à la notion de fractale…
L’apport de robustesse est mis en avant dans la systémique par la notion de fractale ou d’holomorphisme. Un fractal est le composant d’un tout (un système) qui inclus l’image du tout en son sein. Ainsi, le tout se retrouve dans la partie (le fractal) tout autant que la partie est inscrite dans le tout.
Par exemple, les travaux de Karl Lashley effectués sur le cerveau des rats a démontré que le cerveau des rats continue a fonctionner avec 9/10 de sa matière en moins. Impressionnant non ! Imaginez un véhicule qui continuerait à assumer ses fonctions principales si nous retirions 90% de ses composants ?
L’autre vision du gaspillage : la valeur ajoutée :
Bref, tout cela pour dire que la réalité n’est toujours qu’une perception de la réalité. Si bien qu’un gaspillage apparent peut toujours être perçu sous forme de qualité si nous changeons notre angle de perception, et inversement.
Savez-vous qu’une compagnie aérienne a éloigné (Gaspillage N°5) le tapis de restitution des bagages de la porte de débarquement pour améliorer la qualité de son service ? La raison, c’est que les clients se plaignaient de devoir attendre trop longtemps leurs valises… En allongeant le chemin pour y parvenir, l’entreprise a ainsi réduit le temps d’attente de ses clients, contribuant ainsi à l’amélioration de leur satisfaction !
Alors gaspillage ou valeur ajoutée ?
Il y a donc des gaspillages voulus pour obtenir un effet souhaitable ou souhaité. Le reste, « je l’ai pas fait exprès », pour paraphraser mon petit-fils…
Cela me rappelle le bel exemple du carrelage du sol des hypermarchés qui est fait de petits carreaux (plus chers à poser que des grands) : en effet, le clac-clac des caddies en roulant sur les joints donne une impression de vitesse au client, qui ralentit… et voit mieux ce qu’il y a dans les rayons.
Merci Joël pour l’anecdote ! 😉
C’est vrai que les supermarchés sont très forts quand il s’agit d’utiliser « le chemin de la moindre résistance »…
Ils jouent également sur l’inclinaison des sols… sur les odeurs… Ils mettent les bouteilles d’eau à l’opposé du magasin pour être sûrs qu’on fasse tous les rayons pour y accéder… Le pire c’est Ikéa qui nous balade sur des kilomètres…
Tout ça génère beaucoup de gaspillage ! Mais c’est avant tout générateur de valeur ajoutée. 😉
Pascal, vous avez bien raison, tout cela est à consommer avec modération…
Il ne faut pas jouer sur les mots. Par définition, le gaspillage est inutile. En japonais, MUDA signifie littéralement « sans utilité ». Il n’y a strictement rien à perdre à s’en débarrasser. Si une activité a la moindre utilité, elle n’est pas du gaspillage. La liste des 7 catégories d’Ohno n’est qu’un moyen d’aider à le voir quand on visite une usine. C’est tout. Tu vas chercher midi à quatorze heures et ça ne peut que créer la confusion.
C’est surtout que ses exemples ne sont pas adaptés à la notion de LEAN MANUFACTURING, qui est le principal utilisateur de ces techniques de réductions de muda. Dans une usine, on n’essaie pas de feinter de clients 🙂
Michel, merci pour cette précision utile sur le sens du mot muda. J’ai cru comprendre que le Lean à l’occidentale faisait grand cas de chasser les « gaspillages » cibles privilégiées pour « réduire les coûts ». Les deux concepts « gaspillages » et « coûts » sont trop ambigus pour être utiles. Il faut donc les oublier. D’ailleurs, Taiichi Ohno avait viré les comptables de l’usine. On peut, pour faire bonne mesure, y adjoindre « les efficiences – TRS » et autres mesures locales, qui conduisent inévitablement à générer des activités sans utilité.
Bonsoir et Merci Rodolphe et Florent gre2ce e0 vos publications je reste en velile active.J aurais besoin d un coup de pouce, je suis tre8s inte9resse9 par le domaine et je trouve des difficulte9s e0 ge9rer tout cela.On trouve e9norme9ment d informations sur le lean, l ame9lioration continue le management par la qualite9, le souci est par ou dois-je commencer pour e9voluer et vraiment avoir une maitrise du sujet.Quel conseils donneriez vous, gourous en matie8re d excellence ope9rationnel e0 un jeune de9butant qui va se jeter e0 corps perdu dans l aventure de la chasse au muda.Que saviez vous e0 propos des formations green/black belt LSS. quels formations sont accessibles aux jeunes diplf4me9s peu expe9rimente9. Quels livres dois-je me procurer. et finalement La Fameuse Question Quel chemin devrai-je suivre?
Bonsoir Michel, j’entends ce que tu dis et je suis d’accord avec toi pour dire qu’il est inutile d’aller mettre de la confusion là où il n’y a pas lieu d’en avoir.
Pour autant je ne pense pas non plus qu’il soit très fertile de se cacher derrière des principes « simples par définition »… (Cf http://www.dailymotion.com/video/k6gPDS2vSS5QPoflvq , surtout les 2 dernières minutes).
Lors des quelques conférences ou formations que j’ai eu l’occasion d’animer, je me suis bien rendu compte que, pour les gens qui étaient en face de moi, cette notion de gaspillage n’était pas aussi simple. Et je suis d’accord avec Joël, l’utilisation du Lean comme fer de lance pour partir à la chasse aux coûts n’y est sûrement pas pour rien…
Mais au-delà de cette délicate question du détournement de l’état d’esprit originel du Lean, il y a à mon sens une vraie question autour de la « relativité » des gaspillages. LA vérité n’existe pas, seules des représentations de la réalité existent… A partir de là, où mets-tu le curseur pour discerner ce qui est utile de ce qui est inutile ? À partir de combien d’occurrences une redondance devient inutile ?
Dans le doute, je suis assez d’accord avec Joël pour me focaliser sur la création de valeur et l’idée qu’il faut faire toujours plus à périmètre égal de ressource. C’est à mon sens une démarche plus fertile que de rechercher coûts que coûts des gaspillages… Car on trouvera toujours des gaspillages là où on veut en trouver ! 😉
Au plaisir.
Florent.
La notion de gaspillage et de non valeur ajouté nécessaire (pas forcement de VA) n’est qu’une question de décision.
Le lean c’est avant tout un outil qui permet l’échange et le partage des avis pour prendre la décision utile à la vie quotidienne, sur des faits factuels et vus sur le terrain.
Si la décision est de faire telle ou telle action mais qu’elle n’apporte pas forcement de VA, c’est une décision, et donc on ne peut pas aller a son encontre. Sauf en trouvant une meilleure solution.
Et c’est la tout l’objectif.
Sans oublier qu’avec MUDA, il y a aussi MURA et MURI….
Pour aider mes équipes, lors des formations j’explique qu’il y a 2 types de muda :
1er ordre : on sait les supprimer (ou les réduire).
2nd ordre : on ne sait pas travailler sans, on les subit. Il est cependant important de les identifier et de les garder en tête pour les supprimer le jour ou on pourra / saura.
Exemple: on ne trouve quasiment plus de déverminage en électronique (les composants sont beaucoup plus fiable maintenant).
Certain continuent surement par habitude !!
Je ne suis pas persuadé que le gaspillage soit source de valeur ajoutée…
En reprennant ton exemple sur la redondance : Le fait d’utiliser 2 lampes permet de réduire les risques liés à la panne de l’une d’elle, oui mais elle augmente les coûts (fabrication, matériaux utilisés, etc…). Avec une bonne étude sur la durée de vie des ampoules et de la maintenance préventive, tu pourrais supprimer la redondance et réduire les risques de panne. Preuve en est, il existe des véhicules avec un seul optique de phare : Les motos qui ne sont pas plus en panne que les voitures.
Je pense qu’il ne faut pas essayer de masquer les besoins en améliorations par la création de gaspillages.
Comme pour l’exemple de la compagnie aérienne, il est certe plus facile de faire parcourir plus de distance aux passagers devant récupérer leur valise que d’amélioration de délais de livraison des bagages mais cela n’est rentable pour personne.
A bientôt,
Jérôme nous dit : « Ne masquons pas les besoins en amélioration par la création des gaspillages ».
Soit.
J’ai lu quelque part que les inventeurs du vrai Lean, les gens de Toyota, avaient une fâcheuse tendance à préférer investir dans quatre robustes vieilles machines plutôt que dans la dernière « fusée » allemande, hyper-rapide et ultra-sophistiquée.
Dans le cas des deux lampes, je me suis livré à un petit calcul économique : soit la probabilité de défaillance d’une lampe exprimée en fonction du temps notée p(t)- probabilité croissante avec le temps, valeur inférieure par définition à 1. La probabilité que les deux lampes « pètent » en même temps est p(t)au carré. Si, à un moment donné p(t) = 1%, alors la probabilité que les deux lampes « pètent » en même temps est 0,01×0,01= 1/10000.
Question : quelle est la somme qu’il faudrait investir pour améliorer la durée de vie d’une lampe d’un facteur 100? Si c’est plus que le prix d’une lampe, je garde les deux lampes auxquelles j’appliquerai, sagement, une maintenance préventive adaptée, si elle avait une quelconque efficacité et un prix (dés)espérément plus faible que le prix d’une lampe.
Par contre, si je devais imaginer une rentabilité associée à la livraison plus rapide des bagages,ce serait pour la compagnie aérienne. J’offrirais un service payant un supplément pour ceux qui souhaitent une livraison plus rapide (c’est d’ailleurs ce que font les compagnies aériennes qui livrent plus vite les bagages des voyageurs en première et en classe affaires), et la gratuité
pour ceux qui, n’étant pas pressés, auraient la patience d’attendre.
Bien cordialement.
J’aime bien cette idée de faire payer le consommateur en fonction du service qu’il souhaite: c’est une très bonne définition de la valeur ajouté, il faut juste lui indiquer au préalable la valeur moyenne qu’il peut avoir dans un cas comme dans l’autre (ex: 15 min en temps normal et 5 min avec un supplément)
Concernant le temps de vie de l’ampoule, la probabilité de défaillance augmentant avec le temps : p(t) va tendre vers 1 donc en fin de vie sa valeur sera de 0.99 soit au carré 0.99 * 0.99 = 0.98 soit 2% de chance de lacher en même temps donc peu d’intéret à doubler le système (d’ailleur les garagistes change systèmatiquement les 2 lampes lorsque l’une lache)
A bientôt,
Ne serait-ce pas plutôt 98% de chance qu’elles lachent en même temps ?
Excellente remarque : lorsqu’une lampe lâche, il faut bien sûr changer les deux, surtout dans l’hypothèse où les deux lampes ont largement dépassé ensemble la durée de vie moyenne estimée.
Dans le cas, improbable mais pas impossible où une lampe défaille tout de suite la situation est moins claire : est-ce que les lampes appartiennent au même lot, ce qui pourrait faire craindre qu’elles souffrent d’un défaut de fabrication identique, et dans ce cas-là, on applique la règle – on les change toutes les deux – ou bien, et c’est la solution que je préconise, comme il est peu probable que l’ancienne et la nouvelle défaillent en même temps, dans ce cas là, on ne change pas l’ancienne.
Je pense que tout gaspillage que le client sent est source de valeure ajouter si ce gaspillage est bénéfique bien sûre pour ce dernier
Bonne continuation