Allez, je me lance… Je mets les pieds dans le plat… 😀 Est-il nécessaire d’avoir une certification pour faire de l’excellence opérationnelle ?
Pour d’après vous cette question est épineuse…? ;-D
En voici quelques raisons :
- Les formations sur l’excellence opérationnelle représentent un business juteux… Et évidemment, l’organisme qui affiche une certification en fin de parcours aura plus de légitimité à afficher des tarifs élevés.
- Les certifications n’étant pas soumises à certification (il existe autant de règles de certification que d’organismes formateurs…), la question de la valeur de ces certifications et donc des formations qui sont dispensées se pose.
- Pour ceux qui en ont une, la remise en cause des certifications est rude… D’abord parceque’ils se sont beaucoup investis pour l’obtenir pour la plupart… Et surtout parce que certains consultants font reposer toute leur expertise dessus.
- Parce qu’il demeure une certaine confusion entre la certification (l’obtention de la ceinture) et le diplôme de validation du suivi de la formation.
- La question de la légitimité de la certification renvoie à la vieille guéguerre qui oppose les Ayatollahs du Lean aux Ayatollahs du 6 Sigma… Les certifications étant inspirées du 6 Sigma qui a une approche d’expert qui s’oppose à la vision du Lean qui estime que l’amélioration passe par les opérateurs qui n’ont pas besoin d’être des experts des statistiques.
- Parce que dans tout système, il y a toujours du pour et du contre… Et que la vision binaire bien/mal, bon/mauvais, joli/moche prévaut toujours sur la logique de liaison et de complémentarité.
- …
Bref, vous l’aurez compris, le terrain est propice aux échanges passionnés… ;-D
Voici à mon sens, les points positifs du système de certification :
- Malgré la divergence de contenu sur les formations qui sont données, il y a un tronc commun intéressant sur l’ensemble de ces formations. Je pense notamment à tous les jeux de simulation, à la logique du DMAIC et aux outils les plus courants (Charte de projet, Gage R&R, VSM, SIPOC, 5whys, AMDEC, Management visuel, …)
- La certification peut avoir un effet motivant sur les stagiaires qui savent que cela renforcera leur employabilité.
- Quand la certification s’étend sur toute l’entreprise, une certaine culture de l’excellence prend le dessus et se cristallise autour d’un vocabulaire et des outils communs. Il peut y avoir également un aspect enrichissant à entretenir une communauté autour de ce savoir… Je pense notamment aux entreprises comme HP où les belts (puisque c’est comme cela que l’on nomme les personnes certifiées) peuvent échanger sur les outils et les bonnes pratiques.
- La certification oblige de passer de la théorie à la pratique, ce qui est rarement le cas dans les autres formations continues qui sont dispensées dans l’entreprise.
Passons maintenant aux points négatifs de la certification… ;-D
- La certification amène à passer beaucoup de temps sur les outils statistiques alors que ceux-ci ne constituent pas les 20-80 des outils utilisés en projet. Si nous devions faire une analyse de la valeur sur les formations de Belt, assurément il y aurait un décalage entre le coût induit par le traitement des outils statistiques en comparaison de leur taux d’utilisation dans les projets… Les formations black belt par exemple vont très loin sur les outils statistiques, ce qui incite parfois à les utiliser seulement pour obtenir la certification… Ce qui revient surtout à se faire plaisir (ou à se faire du mal) pour pas grand-chose.
Sur ce point, je pense que les Ayatollahs du 6 Sigma ne seront pas d’accord avec moi… ;-D
- Dans certaines entreprises, la certification est encouragée par un système de primes… Et comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, les systèmes de primes peuvent avoir des effets désastreux sur la motivation des équipes.
- Derrière la question de la certification se pose celle du déploiement du Lean Six Sigma dans l’entreprise… Et il n’est pas rare de voir une entreprise (cela concerne davantage les entreprises à culture anglo-saxonne que les entreprises françaises) se lancer dans un plan de formation pharaonique avec des objectifs de nombre de belt définis pour chaque couleur (X% de greenbelt, Y% de black Belt, et 100%-X%-Y% de Yellow Belt… ;-D). Cette façon de déployer le LSS est désastreuse, car on tombe dans le travers de trouver absolument des candidats et des projets pour remplir les quotas… Ces objectifs sont le plus souvent subis… Parfois même la direction locale n’en a strictement rien à faire… Mais l’organisation matricielle faisant, certains se retrouvent à travailler sur des projets et des formations dont tout le monde se fout en local.
- On retrouve dans certaines organisations des Ayatollahs du 6 Sigma qui mettent un point d’honneur à ce que tous les critères de certification (vous savez, le standard utilisé à mauvais qui oublie totalement sa raison d’être initial et qui devient indéboulonnable au fil du temps) soient respectés, y compris des critères sur lesquels le belt n’a pas la main… Ce qui peut entrainer des refus de certification et de la démotivation des stagiaires… Et dans ce cas, peut importe que ceux aient été les plus motivés à faire leur projet. (Si ce petit paragraphe sent le vécu, ne vous inquiétez pas… C’est normal ! ;-D)
- Enfin, la certification c’est comme le permis de conduire, ça n’est pas parce qu’on l’a qu’on l’utilise au quotidien. Il n’y a pas de visite de contrôle de réalisée tous les 2 ans comme le contrôle technique… Et autant vous dire que le LSS, quand on n’en a pas assimilé l’état d’esprit, cela peut très vite s’oublier ! Par ailleurs, la certification ne garantit pas dans le temps que les belts continuent à réaliser des projets comme ils auront été amenés à leur faire lors de leur certification.
J’ai passé en revu les pour et les contre de la certification… Mais j’aurais pu en faire de même sur le système Lean qui n’intègre pas (à ma connaissance) de système de certification.
N’hésitez pas à donner votre avis sur ce sujet polémique… Sur EO.TV, les échanges restent bon enfant ! 😉
Si vous souhaitez prendre la parole de manière plus libre et plus détaillée, n’hésitez pas à m’envoyer une proposition d’article pour que je puisse la publier sur le site ! 😉
PS : Ma réponse à la question est non… Mais peut-être que le jour où je serai certifié, je changerai d’avis… 😀
Ma réponse est également non…
Personnellement je me vois plus le Lean et le LSS comme un état d’esprit, je me vois comme un fainéant qui s’investit énormément : )
Je crois que les ceintures (Green, Black, Master…) sont une excellente image en référence aux arts martiaux. Ce système de ceinture (dans les arts martiaux) a spécialement était développé pour les occidentaux et leur permettre de ce situer dans une échelle de progression.
Ce qui ne m’empêchera pas, si j’en ai l’occasion, de passer une certification (mais pas à n’importe quel prix…) Le savoir est une voie, pas une fin en soi.
En attendant, je continue au jour le jour, à analyser et à mettre en place ces petites choses qui font que le travail est plus facile, agréable, et rapide. J’implique mon équipe, je partage, en somme je m’éclate !
Dieu me garde de ne plus avoir à apprendre…
Merci Florent
Bonjour, cet article est très intéressant et appuie là où ça fait mal. C’est, à mon avis, un sujet de débats sans fin.
En Amérique du Nord, la place donnée aux certifications est très importante : quasiment toutes les offres d’emploi et appels d’offres dans le domaine du lean font référence aux ceintures multicolore du « Lean Six Sigma ». Je ne détiens pas de ceinture, mais y pense sérieusement, car j’ai l’impression que c’est limitant dans ma progression.
Toutefois, je suis d’accord avec le côté très «mathématique» et théorique de cette certification. Cela oblige les stagiaires a utiliser tous les outils du «kit» lors de projet, de façon très scolaire, et pas toujours adapté à la situation.
Il existe une certification en lean, elle est moins connue en Amérique du Nord que les ceintures, et est quasi inconnue en Europe. Elle est délivrée par AME (Association for Manufacturing Excellence), SME (Society of Manufacturing Engineers), Shingo Prize et depuis quelques mois ASQ (American Society for Quality), grand fournisseur de ceintures Six Sigma.
Elle est basée sur 3 niveaux et respecte plus la philosophie du lean et des « sensei » : elle couvre quatre « modules » : les facteurs culturels, les outils du lean, la culture d’entreprise et les résultats d’activités. Le premier niveau donne plus de place aux outils, et le dernier se concentre sur la culture d’entreprise et les résultats d’activité. Chaque certification est valable 3 ans, elles sont obtenues avec un mix de QCM et dossier de projets (revue PDCA de chacun des projets) révisé par des pairs. Le deuxième niveau requiert de coacher un novice, le troisième intègre une interview avec des pairs.
J’ai beaucoup appris en passant le premier niveau : après quelques années/mois, reprendre des projets et les décortiquer sur 2 pages est très enrichissant.
Merci Eponine sur ce riche retour ! 😉 Il est intéressant de voir que les certifications Lean sont valables 3 ans…
Bonjour, Je suis le président du club Lean Six Sigma France et je tenais à vous informer que les participants du club ont demandé à ce qu’un travail soit fait sur la certification afin de définir les compétences minimales pour une certification de compétences d’un animateur d’ateliers ou d’un chef de projet. C’est maintenant chose faite ! Une norme a été publiée (Norme AFNOR NF X06-091) sur les exigences des compétences des chefs de projets d’amélioration et des animateurs d’ateliers. Cette norme couvre les compétences minimales d’un chef de projet « simple » ou « complexe » et d’un animateur d’atelier « simple » et « complexe ». La notion de « simple » et « complexe » est définie sur un ensemble de critères et pas uniquement sur la notion de transversalité du projet ou de l’atelier. La norme décrit les compétences minimales demandées pour la certification des GB et BB en distinguant les compétences minimales demandées dans le secteur du « service » de celles demandées dans le secteur « industriel ». Elle permet également de valoriser la compétence d’animateur d’ateliers (GB Lean et BB Lean) au meme niveau de ceinture que celle pour diriger un projet (GB et BB Six Sigma). La certification Lean Six Sigma correspond désormais à une double compétence savoir diriger un projet et savoir animer un atelier.
Il existait déjà une norme sur le processus de certification d’une compétence mais il manquait la norme sur les exigences de compétences pour un chef de projets d’amélioration et pour des animateurs d’ateliers. Le respect de ces deux normes par les organismes certificateurs protège la personne qui est certifiée car elle est gage de sérieux et pour l’employeur une garantie que les compétences pour diriger un projet et animer un atelier sont bien réelles (ce qui n’était pas toujours le cas avec les certifications actuelles avec parfois des règles fantaisistes qui discréditent la profession et les méthodes…les entreprises pensent confier leur projet ou l’animation de leurs ateliers à des personnes qui ont les compétences avec les conséquences que l’on connait…).
La compétence GB et BB est une compétence reconnue au niveau international. Deux documents seront bientôt publiés par ISO. Si vous souhaitez – à juste titre – faire valoir et reconnaitre votre compétence dans la direction de projets d’amélioration ou l’animation d’ateliers – je vous encourage à vous faire certifier avec un organisme qui suit ces deux normes. J’ai animé le groupe d travail qui a rédigé cette norme et si vous avez des questions, vous pouvez me contacter: jflitt@l6s.fr
Merci Jean-François pour ce complément d’information sur la norme en vigueur sur le sujet… 😉
Pour autant, je ne pense pas que les points que je soulève dans mon article soient définitivement résolus par cette norme.
Et puis la question de la norme sur le LSS et les certifications pourrait également donner lieu à un débat tout aussi polémique que celui sur les certifications.
D’ailleurs à une époque j’avais l’idée de faire une émission polémique histoire que ca bataille un peu sur EOTV. ;-D