::- Article proposé par David JOB, Consultant en Excellence Opérationnelle -::
::- Pour une nouvelle originale sur un Projet 5S -::
Cet épisode fait partie d’une série d’articles sur un projet 5S diffusée chaque lundi.
Si vous n’avez pas suivi le début :
Prologue
Episode 1
Episode 2
Episode 3
La communication aux opérateurs
Marcel me regardait de façon bizarre depuis la réunion kick off.
Il était brigadier à l’atelier de remplissage où il travaillait depuis 12 ans sans que jamais personne ne doive lui expliquer quoi que ce soit dans sa méthode de travail et il voyait d’un mauvais oeil cette incursion sur l’aménagement de son poste de travail.
Il faut dire que ce processus était un processus dit spécial, et que c’est bien souvent l’art de l’opérateur qui en permettait la réussite: le mélange de poudre était vibré sur une table a pression variable. A un moment donné, le mélange était optimal. Dépasser ce moment ou s’arrêter avant risquait de créer des défauts dans la matrice.
L’opérateur se basait sur le bruit du mélange sur la table pour éteindre le manomètre car peu de critères objectifs permettaient de le mesurer.
Nous avions bien essayé de créer un abaque temps, décibels, pression, mais les résultats n’étaient pas répétables. Marcel était donc l’oreille du processus…Il avait le pouvoir sur sa réussite et le savait. (Nous avions identifié ce point lors de la création de la matrice power interest et comme contingence nous avions choisi de mettre l’accent sur la communication.
Je passais donc ma journée avec Marcel et ses collègues sur leur poste de travail.
Depuis mon arrivée dans l’usine, j’avais joué la carte de l’humilité, ce n’était pas un col blanc comme moi, fraîchement émoulu de l’Ecole qui allait expliquer aux gens de terrains nourris d’expérience comment travailler…J’entrais dans l’atelier tous les matins pour leur dire bonjour et leur faire un brin de causette en leur serrant la main d’une poigne ferme.
En tant qu’ingénieur qualité et méthode, j’étais certes le détenteur des outils de méthode et d’analyse, mais je les laissais alimenter les modèles par leur expérience, Mes choix méthodologiques étaient d’ordre sécurité, qualité environnementale ou productivité, et à force de pragmatisme et réalité qui colle au terrain, ils avaient fini par respecter mes instructions et s’étaient appropriés les outils et méthodes que nous leurs recommandions.
Je tenais compte de leur expérience et je les traitais avec respect et cette démarche était appréciée. Je parlais aussi leur langage, j’avais appris leur jargon, leurs calendriers présentant une mode où le tissu est rare ne me choquait pas, et je riais même parfois de certaines de leurs blagues pour peu qu’elles ne dépassaient pas la limite du politiquement correct. (En termes de technique de communication, je me synchronisais ainsi avec eux.)
Lors de mon tour préliminaire j’avais insisté sur les aspects sécurité, environnement, production et qualité que le 5S apporterait, cette fois-ci j entrais dans les détails : je savais quels ouvriers étaient
sensibles au désordre de leur poste de travail et râlaient lorsqu’ils prenaient leur shift alors que le désordre régnait ; à ceux-là, j’avais dit qu’ils ne perdraient plus de temps à organiser leur poste de travail avant de prendre leur pause. Ils pourraient même boire un café de plus !
J’avais expliqué aux ouvriers mécontents des stocks non ravitaillés à temps que grâce au 5S, ils allaient y voir plus clair sur leur réserve de matériel et pourraient commander suffisamment tôt leur réassort.
A ceux qui se plaignaient des maintenances intempestives et incongrues de leur machines : en cas de problème de celle-ci, (fuite d’huile par exemple) ils pourraient l’identifier plus facilement et anticiper les
révisions.
A tous, enfin, j’avais convaincu que le risque de se blesser serait moindre puisque les outillages bien rangés, et les limites au sol bien identifiées.
A la fin de la journée, ma gorge était sèche, mes pieds en compote mais au clin d’oeil que me fit Marcel avant de partir, je sus que la communication était passée…