:,: – Article proposé par David JOB, Consultant en Excellence Opérationnelle – :,:
Épisode 2 – l’ébauche d’un projet
En réintégrant mon bureau, j’en refermai la porte à clé, et je baissai les stores.
J’avais besoin de réflexion et ne voulais être dérangé sous aucun prétexte.
Cette heure dans le bureau de Thierry Dubois m’avait vraiment mis mal à l’aise, et pas seulement à cause du papier jauni et de la poussière.
Thierry était un homme très intelligent et sans aucun doute que ce qu’il a élaboré toutes ces années aurait pu faire faire des bonds en avant a l’entreprise…
À défaut d’être le plus ancien du secteur, nous aurions surement pu devenir le leader du marché, avoir des longueurs d’avance et des brevets à n’en plus finir. Nous n’aurions peut-être jamais entendu parler de Steelpro et aurions peut-être racheté Airflight !
Quel gâchis ! Je venais de comprendre pourquoi les Américains parlent de 8 gaspillages au lieu de 7, le 8eme étant les ressources humaines sous exploitées.
Le moment n’était plus aux lamentations ou au regret du passé… Roger Goupil m’avait confié une mission je me devais d’en être digne et j’avais promis a Thierry Dubois un plan d’action sous 48 heures, je me devais de m’y atteler.
Je pris un cahier neuf, dessinai sur la première page un grand point d’interrogation…
Avant de se différencier, nous devions savoir qui nous étions…
Bien sûr nous étions Mecotransfert, une usine de fabrication de pièces mécanique et employant une centaine de personnes dont 70 pour cent d’ouvriers, mais que ce nom-là résonnait il aux oreilles du client ?
Qui étaient d’ailleurs nos clients ? Pourquoi achetait ils chez nous, quelle était notre valeur ajoutée ?
Valeur ajoutée le mot était lâche… C’est par là que nous devions démarrer !
Connaitre nos clients était aussi primordial…, je commençais à jeter quelques noms de département sur les feuilles quadrillées : marketing, service commercial, service après vente… Je devais prévoir de les interroger.
Et puis la concurrence… Qui sont-ils ? Qu’ont-ils de plus par rapport à nous ? Ou de moins ?
Au fur et à mesure de mes notes, je pris conscience qu’il fallait aussi structurer le projet et ne pas partir dans tous les sens.
Si le projet 5s avait bien fonctionné, c’était parce qu’il avait été mené de façon professionnelle et cadrée, je devais m’en inspirer.
Je prévoyais donc des étapes clés, identiques à tous les projets et garantes de sa bonne conduite: rédaction du contrat social du projet, élaboration d’un budget, désignation des acteurs, planification d’une réunion kick off, création de jalons et d’indicateur pertinents…
Au fur et à mesure que je structurai ma pensée, je noircis des lignes sur mon cahier…
Après une paire d’heures, l’ébauche d’un projet vit le jour, je pus alors m’installer à mon PC.
Je créais un nouveau répertoire sur le serveur avec le nom du projet puis les différents sous répertoires, représentant les différentes phases du projet : démarrage, planification exécution puis clôture, le tout sous contrôle de processus de surveillance et de mesure.
J’avais donc in fine 5 sous répertoires, il me resterait à les remplir des documents ad hoc, le temps voulu.
Ce projet serait divisé en deux phases, une première que j’appelais tout d’abord la crise d’identité, puis jugeant ce titre négatif et peu fédérateur je le renommai en A la quête de notre identité.
Celle-ci ayant été atteinte, nous pourrions alors nous atteler à la deuxième phase, la différentiation proprement dite que je nommai : parce que nous sommes uniques
En termes d’outils, ce projet verrait l’application de deux grandes thématiques : la connaissance de nos clients et la maitrise de notre valeur ajoutée.
Je fus assez satisfait de cette première ébauche, je m’étirai et allongeai mes jambes devant moi.
Je me levai pour relever les stores… J’eus un mouvement de recul ! Roger Goupil m’observait fixement à travers la vitre du couloir…
Je déverrouillais la porte, l’invita à entrer, le fit asseoir en face de moi et lui exposai ma vision de ce travail.
Pendant tout mon exposé, il n’avait pas desourcillé ni ouvert la bouche, les paumes des mains les unes sur les autres, comme en signe de prière…
Je marquai un temps d’arrêt de temps en temps, surtout au moment de l’énoncé des noms que j’avais choisis pour les 2 phases – j’en étais tellement fier que j’espérais trouver dans son regard une étincelle de complaisance – aucun poil, aucune ride ne fit changer l’expression de son visage.
Je lui ai parlé aussi de mon entrevue avec Thierry Dubois, en omettant tout de même volontairement les détails d’ordre olfactifs et perceptifs…
Quand j’eus fini, je le fixai et restai suspendu à ses lèvres…
– Pour quand ?
Fut sa seule réaction
– Quoi, pour quand ?
Répétai-je m’attendant plus a un jugement de valeur sur mes premières pistes de réflexion plutôt qu’a une question directe comme celle-ci dont en plus je n’avais absolument pas la moindre réponse
– Quand puis-je annoncer que nous allons « être uniques » ?
Je compris alors… Roger avait les Américains sur le dos et devait donner une réponse rapidement et très précise, la manière dont il avait formulé la dernière j’eu compris qu’il avait plus ou moins adhéré a l’idée.
– Roger, je calcule tout cela et je vous donne une réponse demain, cela vous va- t- il ?
Il me regarda… de son regard paternel, traduisant la confiance qu’il avait en moi.
– D’accord Daniel, je veux ton projet sur mon bureau demain après midi.
Il me restait donc 24 heures pour rédiger le diagramme de Gant du projet…