A parcourir tout ce qui se fait sur le Lean, on tombe parfois sur des surprises…
La dernière en date c’est la présentation d’un projet Lean qui ressemblait à tout sauf à du Lean !
Alors, bien sûr le camouflage était bien chiadé… Les terminologies (comme le TWI – Training Within Industrie) étaient là… Les accessoires aussi (des Post’it de partout)… Et même les résultats fulgurants étaient au rendez-vous ! Bref, il y avait tout : de la résolution de problèmes, des outils et des résultats. Et il y avait même ce petit ingrédient que l’on oublie si souvent qui est l’implication des employés.
Vous voyez… On aurait du mal à faire plus Lean ! 😉
Pourtant plus on avançait dans la présentation du projet et plus mon intuition me disait que c’était tout sauf du Lean.
Je vous fais le pitch rapidement pour vous mettre en situation :
Le projet se passe dans un call center qui observe des résultats décevants par rapport aux call center des autres pays. Les temps de traitement des appels sont plus longs et surtout plus de la moitié des appels sont ne sont pas traités du premier coup (ils sont soit transférés soit le client est rappelé plus tard). Il apparaît également que dans ce centre, la proportion des appels qui dépassent 5 minutes est trop importante. Alors même qu’il semblerait qu’il y ait une forte corrélation entre le niveau d’énervement du client et le temps passé au téléphone… Bref, plus les clients passent de temps au téléphone plus il y a de chance pour qu’ils soient très mécontent.
Ca c’est la situation de départ…
Personnellement, rien que dans cette façon de poser les problèmes, il y a deux trois choses qui me dérangent…
Sincèrement, quel est ce critère de 5 minutes dont on détermine qu’il est à la fois bon pour le client (moins il passe de temps, plus il est content) et bon pour l’entreprise (moins les appels durent longtemps, plus on peut en traiter… Ou moins nous avons besoin de personnes pour les traiter… Je vous laisse y voir ce que vous voulez !) 😉
Maintenant, regardons comment le problème a été traité…
Pendant 3 jours, l’équipe a listé toutes les questions émises par les clients lors de leur appel… 3 JOURS !!! 3 JOURS à remplir des post’it !!! Super Lean la méthodo ! 😉
Une fois l’exhaustivité des appels récupérés l’équipe a pu les classer par affinité et par niveau de complexité… écoutez le ronron du Lean management…
La troisième étape a été de mettre en place un processus de TWI (Training Within Industrie) pour former les gens sur le tas à partir des règles définies selon les catégories de problèmes et leur niveau de complexité.
Dernier point, un tableau d’affichage est mis en place pour recueillir les appels qui ont dépassé les 5 minutes (1 Post’it par appel), ce qui permet d’alimenter le morning briefing et d’éradiquer petit à petit les problèmes.
Franchement (et là je ne suis pas ironique), au niveau de la méthodologie, il n’y a rien à dire. Si on oublie l’abus du consultant à caser ses 3 jours de Post’It, globalement la démarche est bien ficelée et s’inscrit dans la durée.
Suite à ce projet, le nombre d’appels traités du premier coup a été multiplié par 2 de mémoire ce qui amenait le call center en première position devant tous les autres pays. La direction a donc jugé bon de laisser ce call center tranquille pour déployer ces méthodes dans le call center qui était auparavant le meilleur, souhaitant ainsi conserver un call center au-dessus de tous pour « tirer vers le haut » les autres… hum hum…
Dans ce beau projet, n’y a-t-il rien qui vous titille ?
Avez-vous remarqué qu’à aucun moment on ne parle de la résolution des problèmes qui provoquent les erreurs… vous savez, ce qu’on appelle les causes racines ! 😉
Ce projet ne débouche que sur une seule chose : faire un appel d’air aux appels !
Les indicateurs qui sont suivis sont des indicateurs de productivité et non des indicateurs de satisfaction client.
Le projet débouche sur des solutions qui permettent de traiter plus d’appels en moins de temps… Mais rien n’est fait pour diminuer les problèmes qui justifient les appels des clients.
Et à mon avis, rien ne sera fait dans ce sens car tel que présenté les services semblent bien cloisonnés. D’autant plus que la conclusion du projet était de dire qu’un de nouveaux objectifs était de proposer de nouveaux services au client pour augmenter sa valeur… En voilà une belle idée ! Transformer les muda (appels clients) en valeur… Sauf que s’il y a des chances que cela fonctionne sur les appels où le client demande un simple renseignement, il y a peu de chance que les clients qui appellent pour un problème aient envie de repasser commande… Mais bon, c’est encore un a priori négatif que je dois cultiver…
Bref, en sortant de cette présentation, je me suis dit que la vocation du Lean portait davantage sur la résolution de problèmes plutôt que sur la capacité de l’entreprise à traiter les réclamations générées par ces problèmes… Voyez-vous la subtilité ? 😉
Sep
10
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Une question Florent : le call center est-il un sous-traitant ou un call center interne à l’entreprise vendant le produit défectueux ?
En d’autres termes, quel est l’intérêt du sous-traitant à chercher à comprendre les raisons du problème de défectuosité : aucun ! Au contraire. Dans le cas d’une sous-traitance, les causes premières que vous indiquez ne tiennent pas puisque diminuer les appels reviendrait à diminuer le besoin en télémaintenance et au final à fermer le Call center…
Pour mieux comprendre les choix des personnes concernées, il nous manque donc une donnée importante qui est la réponse à ma question de départ.
Bonne soirée.
Philippe
Pour plaisanté 2 secondes, ca me fait pensé à l’histoire d’un mec qui mettrait un seau d’eau deux fois plus grand sous une fuite pour avoir moins de fois à se déplacer (déplacements divisé par 2, belle perf’) plutot que de regarder d’ou ca vient 😉
ceci dit, la remarque de Philippe est intéressante dans le sens ou la satisfaction de l’entreprise n’est pas toujours celle des clients (un principe contrainre au LEAN en passant).
De plus, faire du LEAN sans s’intéresser à éradiquer les causes racines n’est pas faire du LEAN je pense.
Il s’agit donc bien d’une imposture par rapport aux fondements d’un projet LEAN.
Vous avez raison Frank sauf si on considère que le client n’est pas celui qui utilise le dispositif mais la société qui sous-traite la télémaintenance…
Dans ce cas, on doit pouvoir, à mon sens, analyser une diminution du temps de réponse (par exemple) comme l’écoute de la « voix du client »… Peut-être même que le consultant a eu ses objectifs en fonction de ce client extérieur au Call center.
Une autre précision que Florent doit nous donner 😉
C’était bien un service client interne… Pour autant, j’aime à penser que le Lean est une approche globale et systémique et que c’est la voix du client final qui est essentiel. On peut très bien imaginer qu’un call center prestataire travail en étroite relation avec son client pour réduire le nombre d’appel ou les transformer les appels « problèmes » en appels « à valeur ajoutée ». Il suffit dans ce cas de fixer le bon indicateur, le gains (ou la perte) généré par l’appel.
Au delà des écarts de cette pseudo méthode lean, les échanges montrent bien que le LEAN reste encore trop limité au périmètre de l’entité (société, secteur). Il semble difficile de faire abstraction des enjeux de chaque entreprise (fournisseur / distributeur / call-center) pour ne former qu’UNE entreprise LEAN tournée vers le client final.
Bonjour,
Une des questions clé pour comprendre la finalité première de ce projet est le mode de facturation (en interne ou non) de ce service client interne. Il existe encore des entités facturant ses services au mode ticket. Ce faisant, la réduction des volumes leur arrivant n’est pas une priorité (bien au contraire) et ceux-ci se concentrent alors purement sur la productivité des agents.
Ce qui me surprend grandement, tout comme l’indique Florent, est le fait de passer 3 jours de session de travail type post-it sur les types de questions posées par le client. Un export de la base de données utilisée par le service client puis quelques manipulations des données, aurait dû permettre d’avoir rapidement les typologies d’appels, leur provenance géographique ou par service, les liens potentiels sur les CI (Configuration Items) tels que un serveur donné…
Ceci permettrait aussi d’avoir une vision sur le rework et les incidents réouverts par les utilisateurs car la résolution ne correspondait pas au besoin, les ping-pongs de tickets entre les services…
D’expérience, si le consultant maitrise à peu près les tableaux dynamiques dans Excel et notre vieil ami Pareto, les causes racines peuvent rapidement être identifiées et les 3 jours de type Post-it pourront alors être utilisés à très bon escient.
Dans le cas d’un service desk, la meilleure voix du client est là aussi celle des plaintes et celles-ci sont généralement sauvegardées dans l’outil centralisé ;-).
Sincèrement,
Stéphane
Après la lecture de « la revanche du rameur », ce cas me semble banal. Alors qu’avant j’aurais eu la même réaction que vous. Dominique Dupagne – l’auteur – démontre que toute démarche qualité – aussi agile, Lean… soit-elle – est vouée à l’échec.
Alors, vous avez certainement des exemples de réussites, mais à mon avis, plus le Lean se démocratisent, et plus il sera soit mal mis en œuvre, ou pire, utilisé à mauvais escient.
D’ailleurs, quand j’essai d’en faire la promotion, il n’est pas rare que des personnes qui en ont vaguement entendu parler me jette des cas d’échec ou des cas de suppressions massifs d’emplois. Car beaucoup de manager utilisent ces concepts pour faire passer la pilule…
Entre ceux qui prennent ça pour des effets de mode et ceux qui y voient une manipulation de la hiérarchie, il ne manquait plus que ce livre pour complètement me démotiver.
Le problème est toujours le même GWB, si vous donner un marteau à quelqu’un, vous pouvez tomber sur quelqu’un d’intelligent qui s’en servira pour planter un clou. Un imbécile équipé du même outil pourra faire des ravages… Pour autant, doit-on rejeter la responsabilité sur l’outil ?
Pour un exemple de succès, vous pouvez consulter les interview de Jean-François Zobriste, vous verrez que le propos n’est pas très divergeant des propos de Dominique Dupargne… 😉
Bonjour,
Je suis débutant, et je n’ai aucune certification, ni (ou du moins pas encore) de ceinture, juste un peu d’expérience et une formation d’ingé.
Je trouve le terme d’imposture un peu fort: il a des résultats qui sont loin d’être mauvais et qui sont (du moins je pense) arrivés rapidement.
Ensuite la question est: Est ce qu’il a vendu ça comme une expertise lean, ou, est ce qu’il a répondu à un besoin explicite d’un client?
Lorsque que vous êtes freelance, et que votre popularité n’est pas exceptionnelle, votre proposition commerciale doit impérativement répondre aux besoins explicite du client, en travaillant sur le périmètre qu’il a défini.
Si lors de la phase commerciale il avait dit « je ne vais pas travailler sur ce problème, parce que ce n’est pas forcément le vrai problème…» Il y a de fortes chances qu’il ne reçoive pas la commande!
Mais maintenant, depuis son succès, il a surement gagné en confiance au sein de son client (c’est quand même la gars qui a passé « le call center en première position devant tous les autres pays ») et maintenant il peut proposer de nouvelles mission correspondant mieux à ce qu’il aurait voulu faire.
Quand à l’histoire des post-it … oui peut être que trois jours c’est un peu long, et surement que si les données de la BD sont exploitable (par exemple une codification des défauts/problème et pas l’écriture de ces derniers en champs textes) il aurai fait cela plus rapidement.. Mais cette solution à quand même le grand avantage d’impliquer les équipes, de montrer que ça bouge, de susciter l’intérêt des salariés ne serait-ce que dans l’attente des résultats.. Je pense que c’est quand même plus motivant qu’un email et/ou une présentation.
En fait si je défends le consultant c’est que s’était moi.. non je plaisante :o)